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MYRRHA.

Gilles Safiréra, vice-roi de Naples pour le roi Alphonse :

Hic jacet corpus Mariellæ Minutulæ uxoris Domini Ægidii Safireræ viceregis serenissimi Domini Alphonsi Dei gratiâ Aragonum et Siciliæ Regis, etc. in regno Neapolitano, quæ obiit die mensis novembris anno Domini 1430.

Ceux qui souhaiteraient un plus grand détail des emplois et des actions des personnes de cette famille, dont il y a encore à Naples trois branches, à savoir celle de don Antoine Minutoli, celle de François-Marie Minutoli, duc de Valentino, mari de Diane Caraffe, et celle des princes de Ruodi, n’ont qu’à lire ce qu’en a écrit depuis peu le comte Biagio Aldimari dans son histoire des familles nobles de Naples, où il a suivi, digéré, et augmenté ce qu’en avait écrit Philibert Campanilé.

MYRRHA, mère d’Adonis et fille de Cinyras (A), roi de Cypre, ou d’Assyrie, devint amoureuse de son père, et ne se donna point de repos qu’elle n’eût couché avec lui. Sa nourrice, à qui elle fit confidence de sa passion, lui donna les moyens de se contenter. Elle prit son temps lorsqu’à cause de la fête de Cérès, la reine était neuf jours sans coucher avec son mari (B), et fit accroire à ce prince qu’une jeune fille fort belle souhaitait de lui accorder la dernière faveur sans être vue. La proposition fut acceptée : on mena donc de nuit la jeune Myrrha à son père Cinyras. Quand ce jeu eut assez duré, on eut envie de voir celle dont on avait eu la jouissance : on fit apporter de la lumière ; et l’on connut qu’on avait couché avec sa fille [a]. Cinyras prit son épée pour tuer Myrrha : celle-ci prit la fuite, et se sauva jusques au pays des Sabéens, où elle fut métamorphosée en l’arbre qui fournit la myrrhe. L’enfant dont elle était grosse ne laissa pas de croître, et de sortir de ce tronc d’arbre (C) quand son terme fut venu. Les naïades en prirent soin. Ce fut le plus beau garçon du monde, en un mot ce fut Adonis, dont j’ai parlé en son temps [b]. Plusieurs auteurs disent que Myrrha ne conçut point d’elle-même cette passion, et que le mal venait de plus haut, et de quelque divinité offensée (D) ; car voilà comment les païens se représentaient leurs dieux, sous l’idée d’un être qui punit le crime, en poussant le criminel dans un nouveau crime. Ovide n’a point suivi ces auteurs dans le fait particulier de Myrrha : il a déclaré au contraire que Cupidon s’en lavait les mains [c]. Il en a donné tout le blâme aux Furies infernales. Ceux qui croient que Myrrha était la femme de Cham, fils de Noé (E), amènent la chose d’un peu bien loin.

  1. Cùm tandem Cinyras avidus cognoscere amantem
    Post tot concubitus, illato lumine, vidit
    Et scelus et natam.
    Ovidius, Metam. lib. X, vs. 472.

  2. Ex Ovidio, Metamorphos. lib. X. Voyez aussi Plutarque, dans ses Parallèles, pag. m. 310 citant les Métamorphoses de Théodore ; Servius in Eclog. X Virgil.
  3. Voyez la remarque (D).

(A) Fille de Cinyras. ] Antonius Libéralis [1] l’a nommée Smyrna et l’a fait naître de Théias et de la

  1. Cap. XXXIV.