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MODRÉVIUS.

MODRÉVIUS (André-Fricius), secrétaire de Sigismond Auguste, roi de Pologne, se fit estimer beaucoup par son savoir et par ses ouvrages. Il goûta d’assez bonne heure ce qu’on appelait les nouvelles opinions [a] ; et quoiqu’il se ménageât, il devint suspect aux catholiques, et enfin il se découvrit jusques au point qu’ils le regardèrent comme un apostat (A). On s’aperçoit par une lettre [b], qu’il écrivit à Jean Laski, l’an 1536, qu’il n’était pas ennemi des luthériens. Son traité de Ecclesiâ qui devait être le quatrième livre de l’ouvrage de Republicâ emendandâ, qu’il fit mettre sous la presse à Cracovie, l’an 1551, trouva des censeurs qui en arrêtèrent l’impression deux ou trois ans [c]. Il le publia ensuite avec une apologie qui éclaircissait les choses dont on s’était scandalisé. Il devait aller à Trente avec les ambassadeurs de Pologne ; mais cette désignation fut changée [d]. Les anti-trinitaires de Pologne l’ont mis dans le catalogue de leurs auteurs. On verra ci-dessous le titre de ses principaux ouvrages (B), avec quelques particularités. Grotius l’a mis au nombres des conciliateurs de religion [e].

  1. Stanislas Lubiénicius, Histor. Reformat. Polon. lib. I, cap. V, pag. 18.
  2. Elle est la IXe. de la première Centurie, dans le recueil de lettres publié par Simon Abbès Gabbéma.
  3. Voyez l’Épître dédicatoire et la préface du IVe. livre de Républicâ emendandâ.
  4. Modrevius, præfat. lib. IV de Republicâ emendandâ, pag. 193 édit. Basil. 1554, in-folio.
  5. Grotius, in Consultationem Cassandri.

(A) Les catholiques le regardèrent comme un apostat. ] Voici de quelle manière Simon Starovolscius parle de lui : Regius secretarius, seu mavis lutulenti illius subulci Lutheri, cujus nefariis dogmatibus imbutus, infestabat ecclesiæ portas, dicendo quæ non oportuit, scribendo quæ non licuit, et agendo quæ non decuit [1]. Il paraît, par une préface de Modrévius, que Pie V ordonna de le punir, car voici les plaintes qu’il fait à ce pape : Non abs re mihi facere visus sum, si ipse ad te has controversias deferrem, tibique hunc librum dicarem, qui occasionem præberet tibi eas dijudicandi : simulque studia mea exilia tibi commendaret. De quibus tu videris sinistram opinionem concepisse : ac proptereà iis, penès quos est potestas, edixisse ut me de possessiunculis meis dejicerent : fortunis everterent : ac extorrem facerent domo, foro, penatibus, congressu hominum. Hoccine humanum factum sanctissime pater [2] ? Le pape Paul IV, ajoute-t-il, avait fait expédier de semblables ordres adressés à l’évêque de Vladislavie ; mais il s’apaisa quand il eut ouï mes raisons. Non sum oblitus, à Paulo papâ ejus nomini quarto simile edictum in me scriptum fuisse ad Johannem Droievium episcopum Wladislaviæ. Cui quidem papæ rescripsi ego libro illi dicato de ordinibus ecclesiæ. In quo rationem illi reddidi vitæ, et actionum mearum : simulque causas ostendi quamobrem in me non debuerit esse immitis et adeò ferox. Assensus est ille orationi nostræ non obscurè ; nec ullam deinceps perniciem nobis machinatus est. Droievius quoque nihil in me cogitavit, quàm quod virum bonum et optimum principem deceret [3]. Je suis persuadé que cette préface de Modrévius ni le Traité qui la suit n’eussent point porté Pie V à révoquer son ordonnance, et que la condition de l’auteur ne fut pas meilleure après la composition de cet ouvrage que pendant qu’il y travaillait. Il nous apprend qu’il le fit au milieu de mille soins, obligé de changer souvent de demeure, et inquiété de la peur de perdre son patrimoine. Partim labores domestici, partim

  1. Simon Starovolscius, in centum Polonorum Elogiis, pag. 81.
  2. Modrevius, in præf, Silvæ tertiæ, pag. 152, 153.
  3. Idem, ibid., pag. 154, 155.