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MONIN.

niere de mourir qu’il leur sembleroit à chacune plus aisée et la moins douloureuse, elle s’attacha d’alentour de la teste son bandeau royal, et le nouant à l’entour du col s’en pendit ; mais le bandeau ne fut pas assez fort et se rompit incontinent, et lors elle se prit à dire, O maudit et malheureux tissu, ne me serviras-tu point au moins à ce triste service ? en disant ces paroles, elle le jetta contre terre crachant dessus, et tendit la gorge à Bacchilides pour la lui couper.

MONIN (Jean-Édouard du), natif de Gy, en la comté de Bourgogne [a], publia un très-grand nombre de poésies (A), sous le règne de Henri III. On l’a mis dans le catalogue des esprits extraordinaires (B). Il fut tué à l’âge de vingt-six ans [b]. On dit que du Perron fut accusé d’avoir eu part à ce meurtre (C), et qu’il eut besoin d’impétrer des lettres d’abolition. Je pense que d’Aubigné a commis un anachronisme en parlant de du Monin (D).

  1. Du Verdier Vau-Privas, Biblioth. franç., pag. 729.
  2. Voyez la rem. (B).

(A) Il publia un très-grand nombre de poésies. ] Voici le catalogue que l’on en trouve dans la Bibliothéque de du Verdier [1] : « Comparaison philosophique du soleil et de la lune à nostre ame et intellect selon Merc. Trismegiste et quelques platoniques. Ensemble quelques discours poétiques et sonnets : le tout mis sur la fin de la version latine qu’il a faict de la sepmaine de Guillaume de Saluste sieur du Bartas qu’il a intitulée Ber sithias sivè mundi Creatio, et impr. à Paris 8, par Hylaire le Bouc, 1579. Les nouvelles Œuvres de Jean-Édouard du Monyn, poëte-philosophe, contenant discours, hymnes, odes, amours, contr’amours, eclogues, elegies, anagrammes et épigrammes, impr. à Paris 12 par Jean Parent, 1582. L’Uranologie, ou le Ciel, contenant outre l’ordinaire doctrine de la sphère plusieurs beaux discours, impr. à Paris 12 par Guillaume Julian, 1583. Miscellaneorum poeticorum libri. Parisiis 8. [* 1]. » Claude du Verdier [2], fils de celui qui me fournit ce passage, a censuré en plusieurs choses notre du Monin, et voici ce que le père Lescalopier remarque au sujet de la traduction latine de du Bartas : Moninus. … nimis incultus poëta visus est, interpresque parùm fidus [3].

(B) On l’a mis dans le catalogue des esprits extraordinaires. ] Gabriel Naudé, voulant prouver [4] que Pic, comte de la Mirande, n’est pas le seul qui ait acquis dans sa jeunesse une érudition prodigieuse, dit [5] que Paul de la Scale soutint l’an 1553 à Boulogne, mille cinq cent quarante-trois conclusions sur toutes sortes de matières, et ce auparavant qu’il eût atteint l’âge de vingt-deux ans. Il allègue ensuite les exemples de Postel, de Gesner, d’Érasme, d’Agrippa, de Maldonat, et finalement de cet Édouard du Monin, que l’on peut dire n’avoir été composé que de feu et d’esprit, puisqu’il s’était acquis, auparavant l’an 26 de son âge, auquel il fut tué [* 2], la connaissance des langues italienne, espagnole, latine, grecque et hébraïque, et de la philosophie, médecine, mathématique

  1. * Le père Niceron a donné dans le 31e. volume de ses Mémoires, une liste imparfaite des ouvrages de J. E. du Monin. Joly y ajoute quelques détails. Il parle d’un Commentaire de du Monin sur Perse, qui doit avoir été imprimé d’après les termes dans lesquels l’auteur en parle. Joly donne aussi quelques détails sur le volume intitulé : le Phénix, 1585, in-12, de 155 feuillets. C’est un mélange de poésies diverses ou l’on trouve l’Orbecc-Oronte, tragédie ; mais Joly lui-même a oublié ou n’a pas connu un ouvrage de du Monin intitulé : le Quaresme, etc, 1584, in-4o., qui contient aussi une tragédie allégorique ayant pour titre : la Peste de la Peste, ou Jugement de Dieu : la Bibliothéque du Théâtre Français, I, 256-260, donne l’analyse des deux pièces de du Monin.
  2. * Leclerc observe que lorsqu’il fut tué du Monin avait plus de vingt-six ans, puisque en tête de son Manipulus Poeticus, 1579, il y a un quatrain sur son portrait de vingt-deux ans. Il serait donc né en 1557 et avait vingt-neuf ans lorsqu’il fut assassiné le 5 novembre 1586.
  1. Du Verdier, pag. 729.
  2. Voyez son In Auctores penè omnes, antiquos potissimùm, Censio.
  3. Lescalop. in Cicer. de Nat. Deorum, p. 234.
  4. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 409. Voyez-le aussi au Syntagma de Studio liberali, pag. m. 89, et au Dialogue de Mascurat, pag. 468.
  5. Là même, pag. 503.