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MORUS.

Morus, et quelque chose de trop violent pour le maintenir. Un synode provincial de la province de Berri termina l’affaire par la permission du roi ; et on l’accusa d’avoir été un peu partial en faveur de l’accusé, et de s’être fait un peu trop de plaisir de mortifier un consistoire aussi célèbre que celui de Charenton, qui, par le mérite et la capacité de ceux qui le composaient, était alors comme l’oracle de toutes les églises [1]. »

(H) M. Daillé.... l’avait servi de tout son crédit dans plusieurs synodes. ] Je me suis cru obligé de mettre ici les insultes que les adversaires de M. Daillé lui firent pour ce sujet, et ce qu’il leur répondit pour sa justification, car cela fait partie des aventures de M. Morus. Voici donc ce que le sieur Cottiby, autrefois ministre à Poitiers, reprocha à M. Daillé [2] : Ce qui me surprend davantage, c’est de me voir accusé par vous, monsieur, de qui j’aurais espéré le plus de protection et de support, si par malheur il m’était arrivé de tomber dans quelque faute qui m’eût obligé de comparaître devant ces tribunaux où vous tenez d’ordinaire un rang si éminent : car que ne devais-je point raisonnablement attendre d’un homme qui, en la personne de l’un de ses confrères, s’est déclaré le défenseur et l’avocat de l’une des plus impures vies du monde ; et qui, après avoir plaidé sa cause dans un synode provincial de l’Île-de-France, a bien été assez hardi, dans le national, dont il était le chef, (digne chef d’un tel corps), de le maintenir hautement, je ne dirai pas contre les fidèles mémoires des ministres de Rouen, de Caen et de Lyon ; mais, ce qui est plus étonnant, contre une foule d’accusations de quelques provinces entières, et tout cela par je ne sais combien de détours bien moins innocens que ceux de la langue. Le père Adam fit à peu près les mêmes reproches ; mais voici ce que M. Daillé lui répond [3] : « Pourquoi voulez-vous que je l’eusse condamné et jugé indigne des offices que la charité doit à tous ses prochains dans le besoin, moi qui l’avais ouï, moi qui ne l’avais pas seulement ouï, mais qui, après avoir pris une exacte connaissance de la cause avec toute la diligence et toute l’application d’esprit dont je suis capable, étais demeuré convaincu de son innocence ? Quand je n’aurais dû ces petits devoirs qu’à ma conscience, son sentiment me justifie assez contre les violences et les médisances étranges où votre prosélyte s’emporte contre moi en cet endroit. Mais vous et lui avez d’autant plus de tort de blâmer ma conduite dans cette affaire, que j’y ai rendu les offices que vous reprenez non proprement à mon sentiment particulier, mais à l’ordre de mes supérieurs ; premièrement à l’ordre du consistoire de mon église, qui me chargea, moi et les autres députés, de cette affaire, dans le synode de l’Île-de-France dont votre prosélyte fait mention, et qui fut celui qui se tint à la Ferté-sous-Jouarre, l’an 1655, et puis deux ans après à l’ordre, non de mon consistoire et de mon église seulement, mais aussi du synode entier de ces provinces, tenu à Aï en Champagne, l’an 1659. J’ai fait le moins mal qu’il m’a été possible, ce que les compagnies dont je dépends m’ont enjoint et commandé expressément, ce que ma conscience, bien loin d’en être choquée, approuvait comme juste et raisonnable. Quel crime ai-je commis en cela ? Certainement quand au fond le défenseur serait aussi coupable comme je le tiens innocent, toujours est-il évident que je n’aurais point de part dans le vice qui, en ce cas-là, se trouverait dans les deux jugemens qui l’ont justifié ; car j’y ai seulement défendu une cause que je croyais et que je crois encore très-juste : je n’ai eu et n’ai pu avoir de voix dans la sentence qui y a été prononcée. J’y ai fait l’office de l’avocat et non de juge. Encore faut-il que j’ajoute que je ne fis ni l’un ni l’autre dans le synode national qui a prononcé le dernier arrêt sur cette affaire ; le

  1. Histoire de l’Édit de Nantes, tom. III, liv. V, pag. 315, à l’ann. 1659.
  2. Cottiby, Réplique à M. Daillé, pag. 17.
  3. Daillé, Réplique au père Adam, part. III, pag. 154.