Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T10.djvu/596

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
586
MUSCULUS.

du dogme de l’ubiquité, et il s’expliqua d’une manière très-hardie (K). Il publia un fort grand nombre de livres [a], et comme il était persuadé qu’on verrait bientôt de grandes révolutions dans l’Allemagne, et même que la fin du monde s’approchait, il écrivit sur ces matières avec l’emphase d’un homme qui prétend avoir la clef des oracles du Vieux et du Nouveau Testament. Les controversistes romains ont trouvé, dans l’un des ouvrages qu’il fit là-dessus, une chose qu’ils ont bien prônée (L).

(A) Il logeait le reste du temps chez Martin Bucer. ] Il y gagnait sa nourriture par la fonction de copiste, car l’écriture de Bucer était si mauvaise que les imprimeurs ne la pouvaient pas lire ; il y était lui-même assez souvent embarrassé ; il avait de la peine à la déchiffrer ; mais Musculus, qui la savait lire couramment, peignait à merveille, et c’est pourquoi il rendit un bon office à Martin Bucer, occupé alors à divers ouvrages que l’on mettait sous la presse. Rapportons les paroles de Melchior Adam, on y trouvera des circonstances. Adeò malè pingebat Bucerus, ut quæ scriberet, à typographis, imò ab ipsomet sæpè Bucero, difficillimè legerentur : Musculus verò ea legebat expeditissimè, et pingebat elegantissimè. Descripsit itaque ei cùm alia plura, tùm verò potissimùm explicationem Zephaniæ prophetæ, quæ extat, in cujus fronte ejus leguntur carmina, et Psalterium illud totum, quod sub Aretii Felini nomine in lucem edidit [1]. Érasme, Lipse, et plusieurs autres grands auteurs, ont eu le même défaut que Martin Bucer ; et il y a très-peu d’hommes doctes qui possèdent la qualité contraire comme Musculus la possédait. Cela était encore plus rare au XVIe. siècle qu’au XVIIe.

(B) Il se transporta à Dorlisheim, et y souffrit les rigueurs de la pauvreté fort constamment. ] Il n’avait pour tous meubles que le petit lit qu’il avait fait emporter de son couvent. Ses paroissiens eurent assez de charité pour lui offrir les ustensiles nécessaires ; mais il coucha sur un peu de paille étendue par terre [2]. L’historien observe que sa femme était prête d’accoucher [3], et c’est là-dessus que M. Baillet se fonde pour dire que les protestans content, parmi les mortifications les plus héroïques de Musculus, celle d’avoir couché sur la dure, parce qu’il avait eu la générosité d’abandonner à sa femme le lit qu’il avait apporté de son couvent, d’autant qu’elle en avait besoin pour ses couches [4]. Il servit un an l’église de ce village sans toucher un seul denier de pension. Enfin, les magistrats de Strasbourg le tirèrent de la misère, en lui assignant quelque chose des deniers publics. Annum totum in illâ ecclesiâ docuit, cùm ne teruncium quidem à quoquam stipendii loco acciperet, nec etiam peteret ; sed in summâ paupertate patientissimè et tranquillè viveret. Quò minùs autem illi stipendium solveretur, in causâ erat abbas cœnobii Hohenforst, qui cùm omnes illius ecclesiæ decimas, et census annuos colligeret, ministro tamen Evangelii stipendium pendere recusabat ; tandem Averorgentinenses ut ipsius penuriam sublevarent, aliquam illi pecuniæ summam, è publico ærario benignè numerârunt [5].

(C) Il obtint..... des magistrats d’Augsbourg que le papisme en fût entièrement chassé. ] Musculus fut d’abord ministre au temple de Sainte-Croix. Les catholiques qui occupaient encore l’église de Notre-Dame, et plusieurs autres des meilleures, et la plupart des couvens, remuaient ciel et terre, non-seulement pour se maintenir, mais aussi pour chasser les luthériens. Ils furent bien combattus

  1. Voyez l’Épitome de la Bibliothéque de Gesner. pag. 46 et 47.
  1. Melch. Adam., in Vitis Theol. german., pag. 374.
  2. Parum autem straminis solo instratum illi pro lecticâ erat. Idem, ibidem.
  3. Cum uxor ejus jam partui vicina esset. Id., ibidem.
  4. Baillet, artic. XI, § 2 des Anti.
  5. Melch. Adam.. in Vitis Theol. german., pag. 374.