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MUSCULUS.

allemand à Augsbourg, la même année. Il publia quatre dialogues cinq ans après, sous le nom d’Eutichius Myon, et sous le titre de Proscerus [1], sur la question si un protestant peut communiquer extérieurement aux superstitions papales. Son Commentaire sur les Psaumes fut imprimé l’an 1550. Celui qu’il fit sur la Genèse fut publié l’an 1554. Il en publia un sur l’Épître de saint Paul aux Romains, l’an 1555 ; un sur la Genèse, l’an 1557 ; un sur les Épîtres aux Corinthiens, l’an 1559 ; un sur l’Épître aux Galates et sur l’Épître aux Éphésiens, l’an 1561. Son Commentaire sur les Épîtres aux Philippiens, aux Colossiens et aux Thessaloniciens, et sur des premiers chapitres de la première à Timothée, fut publié après sa mort par ses héritiers. Ses Lieux Communs sont un ouvrage à quoi il travailla pendant dix ans, et qu’il mit au jour l’an 1560 [2]. Quelqu’un remarque qu’il y découvrit les abus sordides de la taxe de la chancellerie romaine. Cette observation ne vaudrait rien dans une version française : donnons-la donc en latin. Minimè ridiculus hic Musculus papistis habetur, præecipuè cum turpissimam illam nundinationem, taxarum scilicet cancellariæ apostolicæ, id est scelerum omnium et blasphemiarum thesaurum toti mundo in locis suis communibus aperuerit : quo facto crassi illi Romani elephanti, insatiabiles ventres, furere videntur, non secùs ac si ipsorum in proboscidas, mures, ad rabiem usquè eosdem vexantes, irrepsissent, Magnus igitur Musculus existimandus, qui in romani Plutonis purgatoriique regis aureum Cameram atque Adyta penetravit [3]. Je ne parle point des ouvrages que Musculus composa en allemand ; mais je dirai qu’il écrivit de sa main tout ce grand nombre de volumes, et qu’il n’eut jamais de copiste [4] ; et que si ses ouvrages furent très-utiles au parti des protestans, comme ils le furent sans doute, ils ne le sont plus : il y a long-temps que personne ne les lit ; et c’est peut-être une fausse délicatesse, et un trop grand attachement aux méthodes à la mode. On donne presque pour rien, dans les encans des bibliothéques, les œuvres de Musculus, et celles des autres théologiens de ce temps-là.

(G) Il fut employé à quelques députations ecclésiastiques très-importantes. ] Il fut député avec Boniface Lycosthène, par le sénat d’Augsbourg, l’an 1536, au synode qui se devait tenir à Eisenac, et où l’on devait traiter de la réunion des protestans sur la doctrine de la cène. On ne fit rien à Eisenac. Luther écrivit aux théologiens qui y étaient arrivés, que sa santé ne permettait pas qu’il entreprît un long voyage, et les pria de s’approcher un peu plus. Ils partirent donc d’Eisenac, et poussèrent jusqu’à Wittemberg, et y dressèrent et conclurent un concordat. Musculus et plusieurs autres, très-persuadés de la fausseté de la doctrine de Luther sur la présence réelle, consentirent néanmoins à des articles de concorde, où ils abandonnaient les explications nettes et précises dont ils s’étaient servis jusque-là. Ils eurent de bonnes raisons de se relâcher ; car ils espérèrent qu’au grand bien de la république et de l’église, ils feraient cesser par ce moyen une controverse considérable, et ramèneraient la paix qu’on souhaitait depuis si long temps : mais l’événement leur ayant fait voir que tous ces détours et ces ambages de paroles ne contentaient point les opiniâtres, et faisaient errer les simples, et donnaient lieu de penser que les sectateurs du sens de figure avaient changé d’opinions, ils revinrent à leur premier langage, ils s’expliquèrent rondement et nettement, et dirent tout haut ce qu’ils pensaient. Vous voyez bien que je narre là une affaire délicate, et que si je ne faisais voir que je traduis fidèlement les propres termes de l’auteur de la Vie de Musculus, je n’exposerais à la censure de quelques lecteurs. Préve-

  1. Epit. Biblioth. Gesneri, pag. m. 825. Ils furent imprimés en français, à Londres, l’an 1550, traduits par V. Poullain, qui les intitula le Temporiseur. Notez que le titre Proscérus est une allusion au mot grec πρόσκαιρος, Temporarius.
  2. Ex Melch. Adamo, in Vitis Theol. German., pag. 383. Je m’étonne que Melchior Adam ne parle point du Commentaire de Musculus sur l’Évangile de saint Matthieu, et sur l’Évangile de saint Jean.
  3. Jac. Verheiden, in Effigiebus et Elogiis præstantium Theolog., pag. 101.
  4. Melch. Adam, in Vitis Theol. german., pag. 383.