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SARA.

γειαν ᾄδει, et quidem Sapho meretricia muliercula insano amore capta suam ipsa lasciviam cantat[1]. Pline parle d’un peintre, nommé Léon, qui avait fait le portrait de Sapho[2].

(K) Quelques auteurs font mention d’une autre Sapho. ] M. Moréri dit qu’il y a des gens qui mettent une seconde fille de ce nom, d’Érithrée, qui faisait des vers, et que c’est le sentiment d’Athénée, lib. XIII. Athénée ne dit pas que cette autre Sapho fût poëte, ni qu’elle fût d’Érithrée : il dit qu’elle était d’Érèse[3], courtisane de son métier, et qu’elle fut amoureuse de Phaon. Selon ce sentiment, la grande Sapho, la Sapho de Mitylène, qui faisait de si beaux vers, pourrait être réhabilitée sans beaucoup de peine dans une bonne réputation ; on n’aurait qu’à transporter sa mauvaise renommée sur autre Sapho. Le mal est qu’un passage mutilé d’Athénée, secondé tant qu’on voudra du témoignage d’Élien [4], ne doit pas nous servir de guide préférablement à mille autorités qui le combattent. M. Lloyd et M. Hofman nous avertissent de bien distinguer deux Saphos ; l’une d’Éréthrie, et l’autre qui fut aimée de Phaon, comme on le voit, disent-ils, dans Athénée au livre XIII. Cela est copié de Vossius[5], et n’en est pas plus vrai ; car Athénée ne parle là que d’une Sapho native d’Érèse, qui fut fort amoureuse de Phaon ; si elle en fut aimée ou non, c’est ce qu’il ne nous apprend point. Suidas pourrait nous jeter dans l’incertitude s’il n’y avait pas de l’apparence qu’il a divisé ce qui devait demeurer uni. Il nous donne deux Saphos : ce qu’il dit de la première appartient incontestablement à celle qui a tant excellé dans la poésie lyrique : ce qu’il dit de la seconde, savoir qu’elle était de Mitylène dans l’île de Lesbos ; qu’elle se précipita du promontoire de Leucade dans la mer, à cause qu’elle aimait Phaon ; qu’elle savait jouer des instrumens ; qu’elle avait composé des vers lyriques, ne convient pas moins certainement à la première. Ainsi je ne vois nulle raison fort valable pour admettre deux femmes de ce nom-là, principalement s’il fallait les distinguer l’une de l’autre par les qualités dont Suidas et Charles Étienne les partagent.

Voici une faute bien absurde.[6] Canius, poëte latin, natif de Cadix [7], et ami de Martial..... épousa deux femmes, Théophile, savante, mais un peu trop libre, et Sapho moins éclairée, mais plus retenue.... Martial rapporte ce que j’écris au liv. III., épigr. LXIII ; et liv. VII., ép. LXVIII.

Castior hæc et non doctior illa fuit, etc.


Voilà ce qu’on lit dans le Dictionnaire de Moréri. Mais si l’on consulte Martial, on trouve[8] qu’il ne fait mention que d’une femme de Canius, et qu’il dit qu’elle se nommait Théophila ; qu’elle était savante, et qu’elle faisait des vers que Sapho pourrait louer ; que celle-ci n’était pas plus docte que Théophila, mais que Théophila était plus chaste que Sapho. Le vers que M. Moréri rapporte est le dernier de l’épigramme. Il ne fallait donc pas y ajouter un et cætera. Ceci n’est qu’une vétille en comparaison de la bévue d’avoir donné à Canius une femme nommée Sapho, moins éclairée et plus modeste que Théophila. Je ne dis rien de deux autres fautes qui sont dans l’article de Canius, au Dictionnaire de Moréri. On marque la XIXe. épigramme du IIIe. livre de Martial, au lieu de la XXe. ; et l’on met æmulator au lieu de æmulatur.

  1. Id., ibid.
  2. Plin., lib. XXXV, cap. XI, p. m. 235.
  3. Fille de l’île de Lesbos.
  4. Ælian., lib. XII, cap. XIX : Var. Historiar.
  5. Vossius, de Poët. græc., pag. 17.
  6. Moréri, au mot Canius.
  7. Cela paraît par l’épigramme LXII du Ier. livre de Martial, laquelle M. Moréri ne cite pas.
  8. Martial. epigr. LXVIII, lib. VII.

SARA, sœur et femme d’Abraham (A), fut la fidèle compagne de tous ses voyages. Elle était déjà mariée avec lui, lorsqu’ils se retirèrent d’Ur de Chaldée ; pour s’en aller à Charan[a]. La stérilité dont elle avait été affligée dans sa patrie ne la quitta point dans les pays étran-

  1. Genèse, XI, 29, 31.