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SUR LES LIBELLES DIFFAMATOIRES.

XV. Le concile de Trente attribue au tribunal de l’église la punition des libelles.

N’oublions pas une chose qui déplut beaucoup aux jurisconsultes qui avaient à cœur les droits du bras séculier. Ils regardèrent comme un acte d’usurpation l’autorité qui fut donnée aux évêques par le concile de Trente. Écoutons là-dessus Guillaume Ranchin [a]. « Ce concile, au préjudice de la juridiction séculière, attribue aux évêques [* 1] la punition des auteurs des libelles diffamatoires, des imprimeurs d’iceux, etc....... Nos lois civiles en attribuent la connaissance et juridiction aux juges et magistrats, et non aux ecclésiastiques. On en voudra excepter ceux qui concernent le fait de religion ; mais cette exception n’est pertinente. Et voici une raison qui sert à la réfuter. C’est que les lois du grand Constantin et celles de Constantius, qui répriment le licence de tels libelles, furent faites en une saison pareille à celle d’aujourd’hui, c’est-à-dire en laquelle plusieurs écrits étaient publiés en matière de religion, contre l’honneur des uns et des autres. Le docteur Balduin [* 2] l’a fort judicieusement remarqué. Il importe, dit-il, de se souvenir quels furent les temps de Constantin et Constantius, auxquels les contentions de religion, non dissemblables aux nostres, enflammoyent les affections des partis, qui par après faisoyent esclorre de funestes calomnies et des libelles diffamatoires, comme il est advenu à present. Il dit cela en l’explication de trois lois de l’empereur Constantin, et de deux de Constantius, faites sur ce sujet, que nous lisons aujourd’hui au Code théodosien. Ces mots des [* 3] empereurs Valentinian et Valens sont aussi remarquables, si quelqu’un a soin de sa devotion et du salut public, qu’il declare son nom, et die de sa propre bouche ce qu’il avoit voulu poursuivre par libelles diffamatoires. Cela se rapporte fort bien aux libelles, en fait de religion, et n’a jamais été dit en autre sens par ces empereurs. Or [* 4] toutes les constitutions susmentionnées, ensemble quelques autres du même Valentinian et Valens, d’Arcadius, Honorius et Théodose, imposent peine aux auteurs de tels libelles et à ceux qui les publient, et en commettent la connaissance et punition à leurs officiers et magistrats : en leur adressant même telles lois, afin de les observer en leurs jugemens. Une infinité d’ordonnances de nos rois parlent expressément des libelles diffamatoires et scandaleux, qui regardent le fait de la religion ; prescrivent la punition qui en doit être faite, la peine que doivent souf-

  1. (*) Sess. 24, cap. I.
  2. (*) Franciscus Balduinus, in commentar. ad leges de famos. Libell., pag. 13.
  3. (*) L. 7, C. Theod., de famos. Libell. I. unic. C. Justin. cod.
  4. (*) Vide totum Titul. C. Theodos. de famosis Libellis.
  1. Révision du Concile de Trente, liv. VI, chap. III, pag. m. 247.