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DISSERTATION

pendio descripta, quâ dierum civilium principium hieraticum in orbe terrarum hactenùs desideratum constituitur. L’année suivante il en publia un plus long pour défendre le premier contre les attaques d’un chanoine d’Urbin, nommé Michalor. Ces deux pièces, en ce qu’elles ont de principal, sont toutes bâties sur les pensées de Bergier ; car ce n’est pas une différence considérable que de placer la ligne du point du jour, non dans le méridien opposé à celui qui est le premier dans l’atlas de Mercator, comme fait Bergier, mais dans le méridien opposé à celui de Rome, comme fait Érycius Putéanus : cela, dis-je, n’empêcherait pas qu’un homme ne fût et copiste et plagiaire. Cependant Putéanus ne dit pas un mot du Traité du point du Jour, imprimé en 1617 et en 1629, et il agit en homme qui parlerait le premier de cette matière. Et admirez le bonheur qui préside sur certains écrits : celui de Bergier qui était incomparablement plus original que l’autre, et qui avait fait pour ainsi dire tous les frais, demeura dans la poussière ; celui de Putéanus fut enrichi des éloges de plusieurs personnes doctes, et des complimens d’un nonce, d’un cardinal patron, d’un autre cardinal, et du pape même, et parut avec ces éclatantes livrées. Bergier aurait pu bien dire,

Hos ego versiculos feci, tulit alter honores.

VII. Comment deux lieux contigus peuvent différer de vingt-quatre heures quant au commencement du jour.

Quelqu’un pourrait me demander s’il y a quelque partie du monde où le jour prenne son commencement, et s’il a été possible que deux pays contigus différassent de vingt-quatre heures à l’égard du point du jour. Je réponds, en premier lieu, qu’un cercle n’a ni commencement ni fin, absolument parlant, et qu’ainsi le jour, dépendant d’un mouvement circulaire, ne peut ni commencer, ni finir qu’à l’égard de certains endroits, de sorte qu’il finit et qu’il commence toujours à divers égards, et qu’il est toujours dans toutes les parties de sa durée, à minuit, à midi, à cinq, à six heures, etc., par rapport à différens pays. En deuxième lieu, qu’il n’a guère été possible, autrement que par une institution de Dieu ou des hommes, que deux pays contigus différassent de plus d’un moment sur le point du jour ; car en quelque point de l’écliptique que l’on suppose que le soleil ait été créé, il a fallu qu’il illuminât tout à la fois quatre-vingt-dix degrés à la ronde, qui font la moitié de la terre ; il a fallu que le jour commençât tout à la fois sur cette moitié, naturellement parlant. S’il s’agissait du jour civil, c’est-à-dire si tous les hommes convenaient de ne commencer le jour que quand il serait une certaine heure, ou si Dieu leur avait commandé de le commencer précisément de cette façon, j’avoue qu’il y aurait sur la terre deux pays entièrement contigus, dont l’un n’entrerait dans le dimanche que quand l’autre en sortirait ; mais il faudrait aussi qu’on cassât un jour, et qu’on prononçât contre lui cette sen-