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SUITE DES RÉFLEXIONS

avait appris qu’avant la fin de février, lui Cailloué avait vendu plus de soixante exemplaires. Il répondit qu’il n’en avait livré que cinquante-deux. Ce n’était pas nier qu’il n’en eût vendu plus de soixante. Notez qu’il n’avait reçu ses exemplaires qu’en décembre. Je conclus de là que les auteurs anonymes qu’on nous produit sont mal informés, et qu’il ne faut faire aucun fond sur leurs nouvelles.

XXXI. Le quatorzième extrait porte que ce que j’ai dit de Louis XIII a obligé particulièrement monsieur le chancelier de brûler mon Dictionnaire, et de le défendre. Si cela veut dire que monsieur le chancelier a jeté au feu dans sa maison l’exemplaire qu’on lui avait envoyé, je suis sûr que l’on se trompe. Si l’on veut dire qu’il l’a fait brûler publiquement par le bourreau, je ne doute pas que l’on ne débite une insigne fausseté. Le commentateur des extraits a pris la phrase au dernier sens.

XXXII. Faisons une bonne réflexion sur le dernier des extraits : c’est celui où il y a le plus de fureur. L’anonyme, qui s’emporte si étrangement, n’a qu’à lire mes additions aux Pensées sur les Comètes : s’il n’y voit pas que j’ai eu raison de dénoncer par toute la terre pour des calomniateurs, ceux qui m’ont accusé de déisme ou d’athéisme, il sera bien stupide ; et il le sera encore plus, s’il s’imagine que mon Dictionnaire est capable d’excuser mes accusateurs. Au reste, je veux bien qu’il sache que, de quelque profession qu’il soit, on lui fera toujours beaucoup d’honneur, si l’on dit que sa conduite est aussi réglée que la mienne l’a été toujours et l’est encore. Je ne remarque cela qu’afin que lui et les autres puissent apprendre à peser mieux leurs paroles, quand ils parleront de conduite. Il m’apprend que mon article d’Adam est l’un de ceux qui excitent avec raison l’indignation des honnêtes gens. Je suis bien aise de le savoir ; car je n’aurais jamais cru qu’on se fondât là-dessus, et rien n’est plus propre que cela auprès des lecteurs intelligens, pour démontrer qu’on se scandalise mal à propos. Cet homme assure qu’il ne voit pas que je puisse éviter l’excommunication : c’est parler comme un nouveau converti de paganisme. Il faut donc lui apprendre que nous n’avons pas une telle coutume, ni aussi les églises de Dieu. Nous n’excommunions les gens qu’en ces deux cas : l’un, lorsque leurs crimes, comme l’inceste, la prostitution, l’adultère, le concubinage, l’assassinat, etc., scandalisent le public ; l’autre, lorsqu’ils soutiennent dogmatiquement des hérésies, et qu’ils s’opiniâtrent à les défendre malgré le jugement de l’église. C’est ainsi qu’on excommunia les ministres remontrans qui, après avoir soutenu leurs opinions avec chaleur pendant plus de sept ou huit années, déclarèrent que nonobstant les canons du synode de Dordrecht, ils voulaient vivre et mourir dans leurs sentimens. Mais il est inouï qu’on ait procédé par des censures ecclésiastiques contre la