Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T15.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
ÉCLAIRCISSEMENT

n’y a rien de plus facile que de faire revenir ceux qui ont été choqués de mon aveu ; car il n’y a qu’à les prier de prendre garde que, s’ils veulent s’en scandaliser, il faut qu’ils se plaignent que tous les théologiens orthodoxes leur sont en scandale. Il n’y a point ici de milieu, il faut ou qu’ils trouvent bon ce que j’ai dit, ou qu’ils ne trouvent pas bon ce que disent les théologiens les plus opposés aux hérésies sociniennes.

Si l’on m’objecte qu’on a eu raison de se choquer de mon aveu, puisque c’est donner trop d’avantage aux incrédules que de leur passer que leurs objections contre nos mystères ne peuvent être réfutées philosophiquement, je réponds deux choses : 1°. La première est, qu’il faut donc qu’on se scandalise, non-seulement de ce que j’ai pu avancer sur ce sujet, mais aussi de ce que les théologiens les plus orthodoxes ont publié à cet égard-là. 2°. Je dis en second lieu, que ce n’est point accorder aux incrédules quelques avantages dont ils puissent se glorifier légitimement, comme ils pourraient faire si nos prédicateurs imitaient ces philosophes qui font savoir par des affiches qu’ils sont prêts à soutenir contre tout venant telles et telles propositions, et qu’un tel jour, à une telle heure, en un tel lieu, ils en donneront des preuves aussi claires que les rayons du soleil. Si les apôtres, saint Paul par exemple, se trouvant parmi les Athéniens eût prié l’Aréopage de lui permettre d’entrer en lice avec tous les philosophes ; s’il se fût offert de soutenir thèse sur les trois personnes qui ne sont qu’un Dieu, et sur l’unité d’hypostase de la nature divine et de la nature humaine en Jésus-Christ, et si avant que de commencer la dispute il fût convenu de la vérité des règles qu’Aristote a étalées dans sa dialectique, soit touchant les termes d’opposition, soit touchant les caractères des prémisses du syllogisme démonstratif, etc. ; si enfin, ces préliminaires ayant été bien réglés, il eût répondu que notre raison est trop faible pour s’élever jusques aux mystères, contre lesquels on lui proposait des objections, il eût essuyé toute la honte qu’un soutenant mis à bout puisse jamais essuyer. La victoire des philosophes d’Athènes eût été complète ; car il aurait été jugé et condamné selon des maximes dont il aurait reconnu la vérité auparavant. Mais si les philosophes l’avaient attaqué par ces maximes après qu’il leur aurait déclaré le fondement de sa créance, il aurait pu leur opposer cette barrière, que ses dogmes étaient inconnus à la raison, qu’ils avaient été révélés de Dieu, et qu’il fallait les croire sans les comprendre. La dispute, pour être régulière, n’aurait point dû rouler sur la question si ces dogmes-là étaient opposés aux maximes de la dialectique et de la métaphysique, mais sur la question si Dieu les avait révélés. Saint Paul n’eût pu avoir du dessous, qu’en cas qu’on les eût prouvé que Dieu ne demandait point que l’on crût ces choses.

Vous voyez par-là combien est imaginaire le prétendu triom-