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ÉCLAIRCISSEMENT

prétendue science. Ils ne seront jamais capables, ni les dogmatiques, ni les sceptiques, d’entrer au royaume de Dieu, s’ils ne deviennent de petits enfans, s’ils ne changent de maximes, s’ils ne renoncent à leur sagesse, et s’ils ne font au pied de la croix, à la prétendue folie de notre prédication, un holocauste de leurs vains systèmes. Voilà le vieil homme dont ils doivent principalement se dépouiller avant que d’être en état de recevoir le don céleste, et d’entrer dans les voies de la foi, la route choisie de Dieu pour le salut éternel. Que si les Pyrrhoniens abusent de nos mystères pour s’enraciner davantage dans l’incertitude, et s’ils nous opposent des argumens ad hominem, tant pis pour eux à moins que Dieu ne se serve de leurs égaremens pour leur faire bien comprendre la nécessité de le soumission à sa parole. C’est ce que saint Paul et ses collègues eussent répondu à deux semblables difficultés. On doit être très-persuadé que si l’occasion se fût présentée de donner leur décision sur la nature de la philosophie païenne par rapport aux difficultés ou facilités de la conversion à l’Évangile, ils eussent défini positivement que la méthode, les principes, les usages et les disputes des péripatéticiens, et des académiciens, etc., étaient un si grand obstacle à la foi, que les préliminaires les plus nécessaires pour entrer dans le royaume de Dieu étaient d’oublier, ou de mettre à part, tout cet attirail de fausse science [1]. Je crois qu’ils eussent défini cela pour le temps présent et pour le temps à venir.

J’ai cité un homme qui semble croire que les subtilités des écoles de philosophie peuvent trouver des temps favorables, pour servir à la propagation de la vraie foi. Il se peut faire, dit-il [2], que ces docteurs subtils étaient nécessaires au monde ; je dis au monde curieux, au monde disputeur, au monde contredisant. Peut-être qu’ils sont entrés dans le dessein de la providence de Dieu, pour l’accomplissement du royaume de son fils ; pour la dernière perfection de l’économie de son église. Vous savez que le fils de Dieu a envoyé divers apôtres à divers peuples. Vous savez que toutes les missions qu’il a ordonnées n’ont pas été faites en même temps, et par les douze premiers envoyés. Il n’a jamais manqué, et ne manquera jamais de pareils ambassadeurs : il en a toujours de tout prêts à recevoir ses ordres, à exécuter ses commandemens, à partir pour les occasions de son service. Il a plus d’un saint Pierre et plus d’un saint Paul, nous n’en devons pas douter. Il a aussi plus d’un saint Thomas. Et à votre avis n’aurait-il pas envoyé le saint Thomas des derniers temps, aux successeurs d’Aristote, afin de les traiter selon leur

  1. Ces paroles de Jésus-Christ, dans l’Évangile de saint Jean, chap. III, vers. 3, Sinon que quelqu’un soit né derechef, il ne peut voir le royaume de Dieu, sont principalement véritables à l’égard des philosophes ; ils ont plus de besoin de renaître que les autres hommes : il leur faut une régénération en tant qu’hommes, et une autre en tant que philosophes.
  2. Balzac, Socrate chrétien, disc. V, p. m. 78 et suiv.