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ZÉNOBIE.

Næ illi qui me reprehendunt satis laudarent, si scirent qualis illa est mulier, quam prudens in consiliis, quàm constans in dispositionibus, quàm erga milites gravis, quàm larga quum necessitas postulet, quàm tristis quum severitas poscat. Possum dicere illius esse quòd Odenatus Persas vicit, ac fugato Sapore Ctesiphontem usque pervenit. Possum asserere, tanto apud Orientales et Ægyptiorum populos timori mulierem fuisse, ut se non Arabes, non Sarraceni, non Armeni commoverent [1].

(B) Aurélien... la fit servir à son triomphe. ] La lettre qu’elle écrivit à l’empereur Aurélien, en réponse à celle qu’il lui avait écrite pour la sommer de se rendre, témoigne qu’elle voulait suivre l’exemple de Cléopâtre, qui aima mieux se donner la mort que de vivre sans régner [2] ; mais elle changea de résolution ; elle se soumit d’assez bonne grâce à la nécessité d’être un ornement du triomphe d’Aurélien. Elle y parut si chargée de pierreries, qu’encore qu’elle fût robuste, elle avait de la peine à soutenir ce fardeau. Il est vrai qu’il faut compter pour beaucoup les fers d’or qu’on lui mit aux pieds, et les chaînes d’or qu’on lui mit aux mains. Ducta est igitur per triumphum eâ specie ut nihil pompabilius populo Rom. videretur. Jam primùm ornata gemmis ingentibus, ita ut ornamentorum onere laboraret. Fertur enim mulier fortissima sæpissimè restitisse, quum diceret se gemmarum onera ferre non posse. Vincti erant prætereà pedes auro, manus etiam catenis aureis : nec collo aureum vinculum deerat, quod scurra Persicus præferebat[3].

Le père Pagi soutient que Zénobie fut menée en triomphe l’an 274, deux ans après qu’elle fut tombée entre les mains d’Aurélien. Il réfute de fort savans chronologues, qui ont mal marqué l’année de ces événemens, Voyez sa Dissertatio hypatica, vers la fin.

(C) Une maison de campagne où elle passa doucement le reste de ses jours. ] Continuons de citer Trébellius Pollion. Huic ab Aureliano vivere concessum est. Ferturque vixisse cum liberis, matronæ jam more romanæ, datâ sibi possessione in Tiburti, quæ hodièque Zenobia dicitur, non longè ab Adriani palatio, atque ab eo loco cui nomen est Conche.

(D) Ce fut une belle femme, chaste, savante, courageuse, sobre, quoique, par politique, elle bût....... en quelques rencontres. ] Pollion ayant parlé des exercices de chasse qui endurcirent Odénat aux fatigues les plus rudes, ajoute que Zénobie avait contracté le même endurcissement ; et qu’au dire de plusieurs elle était plus vigoureuse que son mari. Non aliter etiam conjuge assuetâ, quæ multorum sententiâ fortior marito fuisse perhibetur : mulierum omnium nobilissima Orientalium fœminarum, et, ut Cornelius Capitolinus asserit, speciosissima[4]. Ce dernier mot me fournirait une bonne preuve, s’il était certain que l’auteur cité s’en fût servi ; mais les manuscrits varient : les uns portent expeditissima, au lieu de speciosissima : il ne faut donc point s’y arrêter ; cherchons d’autres témoignages. Voici un portrait qui la représente un peu bien brune, mais néanmoins fort charmante, et qui lui donne les plus belles dents du monde. Fuit vultu subaquilo, fusci coloris, oculis supra modum vigentibus, nigris, spiritûs divini, venustatis incredibilis : tantus candor in dentibus, ut margaritas eam plerique putarent habere, non dentes[5]. « Sa chasteté était si grande, qu’elle n’usait même de la liberté que lui donnait le mariage qu’autant qu’il était nécessaire pour avoir des enfans[6]. » Cujus ea castitas fuisse dicitur, ut ne virum suum quidem sciret, nisi tentatis conceptionibus. Nam quum semel concubuisset, expectatis menstruis

  1. Trebellius Pollio, in triginta Tyrannis, pag. 329, vol. II Hist. Augustæ Scriptor., edit. Lugd. Bat. 1671.
  2. Deditionem meam petis, quasi nescias Cleopatram reginam perire maluisse, quàm in quâlibet vivere dignitate. Vopiscus, in Aureliano, pag. 481.
  3. Trebellius Pollio, in triginta Tyrannis, pag. 336.
  4. Idem, ibid., pag. 299.
  5. Idem, ibidem, p. 333.
  6. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. III, pag. m. 1041.