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ÉCLAIRCISSEMENT

tre, à cause de sa prodigieuse corruption.

La première de ces trois difficultés ne peut tomber que dans l’esprit des lecteurs qui n’ont nulle connaissance du caractère de mon livre. Ce n’est pas un livre de la nature de ceux que l’on intitule, Bouquet historial, Fleurs d’exemples, Parterre historique, Lemnisci historiarum, où l’on ne met que ce que l’on veut. C’est un dictionnaire historique commenté. Laïs y doit avoir sa place aussi-bien que Lucrèce ; et comme c’est un dictionnaire qui vient au monde après plusieurs autres, il doit principalement fournir ce que les autres ne rapportent pas. Il faut y donner non-seulement un récit des actions les plus connues, mais aussi un détail exact des actions les moins connues, et un recueil de ce qui est dispersé en divers endroits. Il faut apporter des preuves, les examiner, les confirmer, les éclaircir. C’est en un mot un ouvrage de compilation. Or personne ne doit ignorer qu’un compilateur qui narre et qui commente a tous les droits d’un médecin et d’un avocat, etc., selon l’occasion : il se peut servir de leurs verbaux, et des termes du métier. S’il rapporte le divorce de Lothaire et de Tetberge, il peut donner des extraits d’Hincmar archevêque de Reims, qui mit par écrit les impuretés que l’on avéra pendant le cours de la procédure [1]. Voilà ce que je disais dans mes Réflexions sur le prétendu Jugement du public l’an 1697. Je le répète avec cet autre passage : « Quand on m’aura fait connaître le secret de recueillir dans une compilation tout ce que les anciens disent de la courtisane Laïs, et de ne point rapporter pourtant des actions impures, je passerai condamnation. Il faut du moins qu’on me prouve qu’un commentateur n’est pas en droit de rassembler tout ce qui s’est dit d’Hélène ; mais comment le prouverait-on ? Où est le législateur qui ait dit aux compilateurs : Vous irez jusque-là, vous ne passerez point outre : vous ne citerez point Athénée, ni ce scoliaste, ni ce philosophe ? Ne sont-ils pas en possession de ne donner point d’autres bornes à leurs chapitres que celles de leur lecture [2] ? » Je pourrais nommer beaucoup de théologiens, qui, ayant choisi de gaieté de cœur une certaine matière, ont cité à droite et à gauche tout ce que bon leur a semblé, quoique ce fussent des choses qui salissent l’imagination. J’en nommerai seulement trois, M. [3] Lydius, M. Saldénus, et M. Loméier. Ils étaient ministres flamands, le premier à Dordrecht, le second à la Haye, et le troisième à Zutphen. On les estimait beaucoup, et à cause de leur érudition, et à cause de leur vertu. Qu’on lise les Dialogues du premier touchant les cérémonies nuptiales [4] ; les Disserta-

  1. Ces paroles sont tirées de mes Réflexions sur un imprimé qui a pour titre : Jugement du Public, etc., pag. 4. [ci-dessus pag. 251. ]
  2. Là même, pag. 14. [ci-dessus p. 267.]
  3. Jacques.
  4. J’en ai donné le titre ci-dessus, rem. (B) de l’article Lydius, tom. IX, pag. 237.