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ZÉNON.

l’amour du père pour ce jeune homme. Cela semble dire que l’amitié d’Odénat pour Zénobie n’était pas extrême ; car s’il l’eût aimée fort tendrement, il eût moins favorisé son Hérode que les fils qu’il avait d’elle ; et il n’eût point regardé la haine de Zénobie comme un grand motif de redoubler son affection à Hérode. Erat circa illum (Herodem) Zenobia novercali animo : quâ re commendabiliorem patri eum fecerat[1]. Cet auteur dit peu après, en parlant de Mæonius, meurtrier d’Odénat : Hic consobrinus Odenati fuit : nec ullâ re aliâ ductus nisi damnabili invidiâ, imperatorem optimum interemit, quum ei nihil aliud objiceretur præter filii Herodis delicias. Dicitur autem primùm cum Zenobiâ consensisse, quæ ferre non poterat ut privignus ejus Herodes priore loco quàm filii ejus Herennianus et Timolaüs, principes dicerentur[2]. Jugez de quoi sont capables les personnes sans vertu, puisque Zénobie, qui avait de si belles qualités, sacrifia son mari à la tendresse ambitieuse qu’elle avait pour ses enfans, et au chagrin de marâtre qui la dévorait.

(F) Elle protégea Paul de Samosate. ] J’ai de la peine à croire que la raison pourquoi elle le favorisa soit celle que vous allez voir dans les purge que je tire de la page 1040 du IIIe. volume de l’Histoire des Empereurs, composée par M. de Tillemont. « [* 1] Saint Athanase dit qu’elle était Juive [de religion sans doute] ; [* 2] ce qu’Abulfaraje écrit après lui ; [* 3] mais au moins elle suivait beaucoup les sentimens des Juifs ; et on prétend que ce fut à cause d’elle que Paul de Samosate, évêque d’Antioche [* 4], duquel elle était protectrice [* 5], tomba dans l’hérésie d’Artémon, dont les sentimens touchant Jésus-Christ approchaient fort de ceux de la synagogue. » Pour persuader aux gens qu’elle était juive de religion, il faudrait qu’on alléguât d’autres témoignages. Il est facile de concevoir qu’une princesse païenne se fait un plaisir d’arrêter le cours d’un jugement synodal, pour peu qu’on sache lui insinuer que la personne condamnée est digne de sa protection, et qu’il importe même au paganisme que les divisions des chrétiens soient fomentées. Il y a de savans hommes qui ont cru que ce Paul de Samosate ne fut condamné par le concile d’Antioche qu’après la ruine de Zénobie : le père Pagi les réfute solidement [3].

  1. (*) Ath. solit., pag. 857, d.
  2. (*) Abulf., pag. 81.
  3. (*) Thdrt. hær., l. 2, pag. 222, c.
  4. (*) Ath., pag. 857, d.
  5. (*) Thdrt., pag. 222, c.
  1. Trebellius Pollio, in triginta Tyrannis, pag. 301.
  2. Ibidem.
  3. Pagi, Dissert. hypot., pag. 375 et seq.

ZÉNON d’Élée, l’un des principaux philosophes de l’antiquité, florissait dans la 79e. olympiade [a]. Il fut disciple de Parménides, et même, selon quelques-uns, son fils adoptif [b]. C’était un bel homme. Quelques écrivains prétendent qu’il fut aimé de son précepteur plus qu’il ne fallait (A). Vous trouverez dans Moréri qu’il fut l’inventeur de la dialectique (B). On devrait y voir aussi qu’il entreprit de redonner la liberté à sa patrie opprimée par un tyran, et que l’entreprise ayant été découverte, il souffrit avec une fermeté extraordinaire les tourmens les plus rigoureux. Cette affaire est rapportée avec mille variations (C), comme on le verra dans nos remarques. Je n’ai que deux péchés de commission à reprocher à M. Moréri (D). Au reste, les sentimens de Zénon d’Élée étaient à peu près les mêmes que ceux de Xénophanes et de Parménides, touchant l’unité, l’incompréhensibilité, et l’immutabilité de toutes choses. Je ne saurais croire qu’il ait soutenu qu’il n’y a rien dans l’u-

  1. Diog. Laërt., lib. IX, pag. 566, edit. Wetstein, 1692.
  2. Idem, ibid., num. 25.