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VIE DE M. BAYLE.

drait qu’en lire plusieurs autres qu’elle a encore écrites sur le même sujet. Elle n’est point catholique à la manière de France : elle l’est à la manière de Rome, c’est-à-dire, de saint Pierre et de saint Paul. C’est pourquoi elle est contre ces persécutions, parce qu’effectivement cette manière de convertir les hérétiques n’est pas originaire des apôtres.

» Au reste, tout ce que je vous dis ici est de mon chef, et parce que mon devoir m’oblige de vous le dire, étant un des serviteurs de la reine. Que s’il arrive que sa majesté vienne à lire vos Nouvelles, je ne sais pas ce qu’elle dira ni ce qu’elle fera ; mais, monsieur, croyez-moi, de quelque protection dont vous vous vantiez auprès des magistrats de la ville de Rotterdam, cela ne vous sauverait pas du ressentiment d’une si grande princesse, si elle l’avait entrepris [* 1]. Et messieurs les magistrats de Rotterdam sont trop justes et trop raisonnables pour vouloir vous protéger dans une pareille occasion.

» Sa majesté ne désavoue pas la lettre qu’on a imprimée sous son nom, et que vous rapportez dans vos Nouvelles. Il n’y a que le mot de je suis à la fin, qui n’est pas d’elle. Un homme d’esprit, comme vous, devait bien avoir fait cette réflexion, et l’avoir corrigé. Une reine comme elle ne peut se servir de ce terme qu’avec très-peu de personnes, et M. de Terlon n’est pas de ce nombre. Cette seule circonstance vérifie assez que ce n’est pas la reine qui s’est avisée de faire imprimer cette lettre, comme tout le monde sait. Si vous en voulez faire mention dans vos Nouvelles, vous le pouvez ; mais point de plaisanterie là-dessus, comme vous avez fait dans le mois d’avril, page 472 : profitez seulement de l’avis, et croyez qu’en cela je suis véritablement,

» Monsieur,
» Votre très-humble serviteur.

» P. S. Si je ne mets pas ici mon nom, c’est seulement parce que cela n’est pas nécessaire, et que ma lettre n’a pas besoin de réponse. Quand il sera temps de me faire connaître à vous, je le ferai ; mais c’est à vous de vous corriger, si vous le trouvez à propos. »

M. Bayle se justifia dans un article des Nouvelles du mois d’août [1] intitulé : Réflexions de l’auteur de ces Nouvelles sur une lettre qui lui a été écrite touchant ce qu’il a dit de la reine de Suède. Voici sa réponse :

« Celui qui a écrit cette lettre ne se nomme point, et ne marque ni le temps ni le lieu où il l’a écrite. Il marque seulement que tout ce qu’il me dit est de son chef, et que son devoir l’y oblige, étant un des serviteurs de la reine. Voyons

  1. * Cette si grande princesse avait, le 16 novembre 1657, fait égorger Monaldeschi, son grand-écuyer, dans le palais même de Fontainebleau.
  1. Art. IX, p. m. 952 et suiv.