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VIE DE M. BAYLE.

m’accuse aussi d’introduire l’indifférence des religions, et au contraire il n’y eut jamais de doctrine plus opposée à cela que celle qui établit qu’il faut toujours se conduire selon sa conscience. Pareilles illusions règnent dans l’endroit où il parle de la puissance législatrice du souverain en matière de religion. Pour les citations de l’Écriture, elles sont fort fréquentes dans son livre ; mais la plupart mal entendues et à la saint Augustin. En un mot, cet auteur s’est ingéré dans les choses qu’il n’a point vues, et a continuellement commis le sophisme de ne point prouver ce qu’il fallait. »

L’indisposition de M. Bayle continuant toujours, il forma le dessein de changer d’air, et d’aller prendre les eaux d’Aix-la-Chapelle. Il partit de Rotterdam le 8 d’août et alla à Clèves, où il arriva le 13 du même mois. Le lendemain il alla loger chez M. Ferrand, ministre du château de Clèves, et y demeura jusqu’au 15 de septembre qu’il passa à Bois-le-Duc, et de là à Aix-la-Chapelle accompagné de M. Piélat ministre de Rotterdam, et M. de Farjon, ministre de Vaals. Il revint à Rotterdam le 18 d’octobre ; mais il fut obligé de se reposer encore quelques mois, comme il le marque à M. Constant, dans une lettre du 22 de mars 1688. « Il y a plus de 13 mois, dit-il [1], que je tombai malade. Depuis ce temps-là, je n’ai fait que traîner et languir, et je commence seulement à ce retour de printemps à pouvoir reprendre un peu d’exercice littéraire. À mon retour d’Aix-la-Chapelle, où j’avais été boire les eaux, je trouvai ici M. votre fils..... mais malheureusement pour moi, j’étais quasi hors d’état encore de parler beaucoup, sans exciter ma petite fièvre lente ; ce qui a été ma continuelle persécution durant ma maladie, pour peu que je me mêlasse de conversation, j’empirais mon mal. » Il s’explique plus particulièrement dans sa lettre à M. Lenfant du 20 de juillet. « Vous me faites bien de l’honneur, dit-il [2], de vous souvenir comme vous faites, d’un homme quasi mort au monde, et effacé de la mémoire des vivans..... J’ai fait un voyage à Clèves, un autre à Aix ; et à mon retour ici, je me suis plongé tout l’hiver dans un quiétisme le plus grand du monde, ne lisant ni n’écrivant pas une pause d’a. Enfin, quand j’ai cru m’être assez reposé, je n’ai repris le travail que pour mes leçons de philosophie, d’abord publiques, et puis aussi particulières ; et à l’égard du reste, j’ai gardé et je garde encore une pleine et parfaite oisiveté..... Je ne me suis pas encore remis à lire ; je ne parcours pas même les journaux ; et, de peur que je ne me sente tenté de rompre le doux charme de la paresse, je vais rarement chez les libraires ; ainsi je ne sais point ce qui ce passe de nouveau chez eux. Le hasard fait quelque-

  1. Lettres, etc., ubi supr., p. 283, 284.
  2. Ibid., p. 285, 286.