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VIE DE M. BAYLE.

river jusqu’à ses oreilles, que j’étais l’auteur d’une lettre volante qu’on a imprimée à Amsterdam, en réponse à ses Chimères de M. Jurieu [1] : car M. Pélisson, dans son dernier livre, avait parlé fort honnêtement de moi, au lieu que ce nouveau converti en parle durement. L’ouvrage dont je vous parle est court et assez mal écrit, mais outrageant pour le parti. On l’a réimprimé en ce pays. » M. Bayle parlait ainsi d’après l’avis du libraire ; mais tout ce qu’on y disait n’était qu’un jeu. Cet écrit n’avait pas été imprimé à Paris [2], et on ne vit point paraître la réplique que le libraire promettait.

Si on le regarde comme une suite du Commentaire philosophique, on croira sans doute que M. Bayle en est l’auteur. Il est naturel de supposer qu’ayant vu avec douleur que ce commentaire, destiné à combattre l’intolérance de l’église romaine, avait été représenté par les ministres comme un livre pernicieux, il ait, sous le personnage d’un nouveau converti, employé la voie de la récrimination pour les forcer à se déclarer pour la tolérance, ou à donner gain de cause aux controversistes catholiques. D’ailleurs, il est visible que l’auteur en veut particulièrement à M. Jurieu, le principal fauteur de l’intolérance : il se moque de ses explications de l’Apocalypse, et des espérances chimériques dont il repaissait les réfugiés. Il l’a aussi en vue dans cette espèce de digression qu’on trouve à la fin, sous le titre de Réflexions sur les guerres civiles des protestans, etc., comme il serait facile de le faire voir.

Cependant on regarda cet écrit en Hollande comme venant de M. Pélisson [3]. On se le persuadait d’autant plus aisément, qu’on savait qu’il avait beaucoup travaillé aux conversions, et publié quelques traités de controverse sous le titre de Réflexions sur les différens de la religion. M. Jurieu ne balança pas à lui attribuer cette Réponse (G) ; et sur ce qu’on accusait les protestans de soutenir qu’il était permis de se servir du glaive pour punir les hérétiques, il dit qu’on verrait bientôt quelle serait leur conduite à cet égard. « La première partie de cet ouvrage, dit-il [4], est employée à prouver que, même selon nos principes, il est permis de persécuter les hérétiques, et de les poursuivre même jusqu’à la mort. À Dieu ne plaise qu’il nous arrive de passer jusqu’à ces excès ; mais au moins nous prions cet auteur de s’en souvenir si quelque jour nous sommes en état d’humilier et d’abaisser son parti. S’il est permis de tuer les hérétiques et les chrétiens idolâtres, il doit être permis à plus forte raison de les mortifier, sans violenter leur conscience, par tout ce qui les

  1. C’est un écrit de 8 pages in-4o., intitulé, Réponse à l’auteur des Chimères de M. Jurieu.
  2. Il fut imprimé à Amsterdam, chez Wolfgang.
  3. M. Pélisson le désavoua dans l’Histoire des ouvrages des savans, février 1690, p. 276.
  4. Lettre pastorale du 1er. avril 1689, p. 117, col. 1.