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VIE DE M. BAYLE.

que de mettre le pied en ce royaume ; c’est de protester publiquement, ou que vous n’avez jamais approuvé les libelles diffamatoires et séditieux que vos auteurs ont publiés par monceaux, ou que vous avez un véritable repentir de les voir approuvés, et un regret extrême de n’avoir pas connu le mal qu’il y avait là-dedans, ou de n’avoir pas eu la force de crier contre. » Il reprend encore cette matière, et fait ensuite plusieurs réflexions sur la campagne de 1689, qui tendent à relever la grandeur de la France et la gloire de Louis XIV. De là il passe à la révolution de Siam dont on était fort content en Hollande, à cause de l’échec que la France y avait reçu. Il dit que les controverses des protestans étaient empirées depuis quatre ou cinq ans, surtout à l’égard de leurs guerres civiles ; et il met en opposition la fidélité des catholiques français pour Henri IV, et celle des protestans anglais pour Jacques II. Il permet à son ami de publier cette lettre et d’y faire les changemens qu’il jugerait à propos. Il finit par une prière très-dévote et par des vœux pour la conversion de son ami au catholicisme ; mais « si l’heure, ajoute-t-il, n’est pas encore venue pour cet heureux changement, fasse le ciel qu’au moins vous soyez revêtu des sentimens que tout honnête homme doit avoir pour sa patrie ! »

Si on compare cet Avis aux réfugiés avec l’article de la Réponse d’un nouveau converti à la lettre d’un réfugié, intitulé Réflexions sur les guerres civiles des protestans, on y trouvera une grande conformité, mêmes sentimens, mêmes reproches, mêmes insultes. L’un n’est, pour ainsi dire, que le prélude ou l’ébauche de l’autre. On a suivi les mêmes idées et travaillé sur le même plan, mais d’une manière assez différente pour faire douter que ces deux écrits viennent de la même main. Dans l’Avis, les matières sont plus étendues, plus ornées, plus attachantes, le style est plus correct, plus vif, plus véhément.

Ce livre est précédé d’une préface dont l’auteur, réfugié à Londres, est aussi zélé protestant que celui de la lettre paraît ardent catholique : il dit que cet écrit le surprit extrêmement dès la lecture des premières pages ; que c’était l’ouvrage d’un de ses anciens amis, avocat de titre, mais qui s’était moins occupé au barreau qu’à la lecture des livres de controverse ; qu’il doit lui rendre ce témoignage qu’il avait hautement désapprouvé les dragonneries, et qu’il ne comprenait pas pourquoi il l’avait choisi pour le rendre le dépositaire d’un tas d’indignités versées sur le papier avec la dernière aigreur ; tant contre tout le corps des protestans, que contre ceux qui avaient cherché, hors de France, leur cruelle marâtre et non pas à proprement parler leur patrie, un asile pour y servir Dieu selon la pureté de la foi. « Le sujet, dit-il, de ces manières si dures, si outrées et si éloignées de l’équité et de la modération que j’ai toujours remarquées en lui, c’est première-