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VIE DE M. BAYLE.

manière si fine et si judicieuse est désormais connu d’un chacun. Et pour celui qui publie. l’inimitable Histoire des ouvrages des savans, y a-t-il quelqu’un qui ne le connaisse par son nom ?... Quant à celui qui vient de donner la Défense des réfugiés contre l’Avis important, ce ne peut être qu’une personne très-digne d’en être crue lorsqu’elle assure quelque chose comme de la part de ses confrères. Il satisfait pleinement aux reproches qui regardent l’esprit satirique, et il éclaircit son sentiment sur l’autre point avec une grande dextérité d’esprit. Tout bien considéré, on trouvera qu’encore qu’un désaveu qui aurait précédé les sanglans reproches de l’adversaire ; et qui aurait été fait par des gens chargés d’une procuration synodale, aurait été et plus glorieux et plus authentique, il n’y a néanmoins que des chicaneurs outrés qui puissent revenir à la charge. » On a fait quelques autres réponses à cet ouvrage (O).

M. Bayle lui-même avait dessein d’y répondre ; mais à peine eut-il travaillé deux ou trois jours, qu’il fut arrêté par des difficultés qui l’obligèrent à consulter un des ministres nommés pour l’examen des livres. La lettre qu’il lui écrivit est si curieuse et si importante pour faire connaître les véritables sentimens de M. Bayle, que, quoiqu’elle ait déjà paru dans la Bibliothéque raisonnée [1], je n’ai pas cru pouvoir me dispenser de l’insérer ici. Je la donne d’après l’original qu’on m’a fait la grâce de m’envoyer [2].

« À Rotterdam, le 20 janvier 1691, chez mademoiselle Wits, sur le Scheepsmakers-have.

» Monsieur,

» Puisque votre église est une de celles qui doivent examiner les livres, je prends la liberté de vous consulter sur un écrit que l’on me conseille de publier : c’est une réponse à l’Avis aux réfugiés.

» Dès que ce libelle eut paru, il y eut des gens de mérite qui me firent la grâce de me dire qu’en le lisant ils m’avaient cru propre à y répondre, et qu’ils me venaient voir exprès pour me prier de me charger de ce petit soin. Cela m’obligea, contre la coutume où je suis de ne lire presque rien de tout ce qui court sur les affaires du temps, à lire ce prétendu Avis important, et j’entrai d’abord dans la pensée qu’on m’avait proposée, c’est-à-dire dans le dessein d’y répondre.

» Mais, en examinant la chose de près, j’y trouvai certains embarras à cause que je ne crus point que ce fût la peine de répondre si l’on ne faisait approuver, par notre synode, ou par les églises qui le représentent à cet égard, la réponse que je ferais, et que je prétendais faire rouler sur un dés-

  1. Tom. XV, p. 148 et suiv.
  2. Cette lettre avait une enveloppe qui s’est perdue, et sur laquelle était le nom de la personne à qui elle était adressée. Cependant on croit que cette personne était M. Guillebert, ministre de Haarlem ; son église étant alors de tour pour l’examen des livres.