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VIE DE M. BAYLE.

ment (et soyez assuré que j’userai de toute la discrétion que vous voudrez exiger) ce que vous croyez pour le mieux, et s’il ne serait pas plus à propos de laisser tomber un libelle qui est désormais inconnu, et en tout cas si on approuverait synodalement la réponse qui désavouerait les dogmes à nous imputés par les papistes. Excusez, s’il vous plaît, mes ratures. Je suis avec toute sorte de respect,

» Monsieur,

» Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
» Bayle. »

M. de Bauval donna dans son journal du mois de mai 1690, l’extrait d’une lettre de l’auteur de l’Avis aux réfugiés [1]. « Je vous avouerai, dit cet auteur, que j’ai été surpris de voir mon ouvrage public. Je ne l’avais point confié à mon ami dans ce dessein-là. Surtout il y a certains endroits que je ne puis approuver. Ce sont ceux où il est parlé de la manière dont on vous a traités en France. Vous jugez bien que, quand je penserais ce qu’il me fait dire, je n’aurais pas eu l’imprudence au milieu de Paris de débiter de pareilles choses. Je vous l’enverrai peut-être bientôt réimprimé avec les changemens nécessaires. » Et dans le mois de février 1691, il publia l’extrait d’une lettre de Paris, qui portait que cet ouvrage était sous la presse. « On réimprime actuellement ici, disait l’auteur de cette lettre [2], l’Avis aux réfugiés avec privilége du roi. L’auteur, qui s’était tenu clos et couvert, à cause de diverses choses qui ne pouvaient qu’irriter M. l’archevêque de Paris et le père de la Chaise, a trouvé moyen de faire sa paix, en ajoutant ou diminuant ce qui pouvait leur déplaire. » En effet, il s’imprimait avec privilége du roi, daté le 20 d’octobre, et on en vit les deux premières feuilles en Hollande le mois de mars suivant [3]. On retrancha la préface de la première édition, et on y substitua cet avis au lecteur. « Cet écrit ayant été envoyé par l’auteur aux pays étrangers, à un de ses amis, il a été imprimé avec divers changemens contraires à son intention. C’est ce qui l’oblige à le faire réimprimer en France en sa forme véritable et naturelle. Il proteste sincèrement qu’il n’a eu aucun dessein que de faire son devoir, en faisant connaître à ceux à qui il prend intérêt certaines vérités importantes sur lesquelles on ne fait pas assez de réflexion, et qu’il a si peu regardé la faveur et les espérances de la cour, qu’il a même évité d’en être connu, se cachant pour cette bonne action avec autant de soin qu’on se cache pour les mauvaises. » Mais cette édition fut interrompue par la mort du libraire. On la reprit quelques mois

  1. Pag. 418.
  2. Pag. 279, 280.
  3. Jurieu, Dernière conviction, p. 19, col. 2 ; et Chimère démontrée, p. 267, 309.