Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T16.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
VIE DE M. BAYLE.

préjugé contre la doctrine de M. Bayle. On se mit en devoir de juger selon les formes. M. Bayle se déclara toujours prêt à montrer son innocence, et il ne tint pas à lui qu’on ne jugeât [1] : » mais on ne fit aucune procédure.

Quelques amis de M. Bayle prirent son parti jusques à écrire en sa faveur. M. de Bauval publia une Lettre sur les différens de M. Jurieu et de M. Bayle, où il démontra qu’à regarder les choses du côté de l’honnête homme et des devoirs de la société civile, M. Jurieu ne pouvait sauver l’indignité de son procédé envers M. Bayle. Il se défendit ensuite contre les attaques de M. Jurieu. Nous avons vu que ce théologien l’avait accusé d’avoir supposé dans son journal l’extrait d’une lettre où l’on disait que l’Avis aux réfugiés se réimprimait à Paris. Il revint à la charge dans ses Convictions et lui imputa de nouveaux crimes. Il l’accusa d’avoir publié l’Avis aux réfugiés, et d’être un homme sans religion : il soutint que cet extrait de lettre était faux. « On a certitude, dit-il [2], qu’il est faux. Et, là-dessus, on défie ces messieurs de mettre la lettre d’où cet extrait a été tiré entre les mains de quatre personnes d’honneur qu’on nommera de part et d’autre, et qui examineront d’où elle vient, quand elle a été écrite, et ce qui est dit devant et après. On les défie de cela, dit-il ; et, s’ils ne le font, ce sera une preuve que la lettre est ou supposée, ou écrite par un correspondant qui entre dans l’affaire, ou pleine de choses qui découvriraient leur mystère. C’est un défi auquel on sait très-bien qu’ils ne défèreront pas ; ils n’oseraient. » M. de Bauval le prit au mot. Il le fit sommer par un notaire de nommer deux arbitres, et promit d’en nommer deux autres devant lesquels il représenterait cette lettre : mais M. Jurieu recula et ne voulut jamais qu’on en vînt à l’examen qu’il avait proposé. M. Bayle parle de cet écrit de M. de Bauval dans une de ses lettres à M. Minutoli. « De tous mes amis, dit-il [3], il n’y a que M. de Bauval, frère de M. Basnage, qui ait mis la main à la plume pour moi. M. Jurieu le hait pour le moins autant qu’il me hait, et le mêle dans tous ses libelles avec une malhonnêteté tout-à-fait brutale ; et enfin il le fait auteur avec moi de l’Avis aux réfugiés. M. de Bauval a donc fait une Lettre de deux feuilles et demie sur notre différend, qui le pique finement et adroitement. » M. Huet publia aussi un écrit en faveur de M. Bayle, intitulé : Lettre d’un des amis de M. Bayle aux amis de M. Jurieu. Il y relevait plusieurs passages des Nouvelles convictions et des Remarques générales. Ce petit ouvrage est écrit fort sensément et avec beaucoup de modération.

M. Jurieu n’excita pas moins

  1. Addition aux Pensées sur les comètes, etc., p. 15, 16.
  2. Nouvelles convictions, etc. ; p. 10, col 1.
  3. Lettre à M. Minutoli, du 27 d’août 1691, p. 395.