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VIE DE M. BAYLE.

n’a pu jouer jusqu’ici à mon égard. Il ne veut plus être ma partie, il veut être mon juge et faire en sorte qu’on ne parle plus d’accusation d’athéisme, mais qu’on examine seulement s’il y a dans mes ouvrages quelques propositions erronées, dangereuses et punissables canoniquement. Toutes les apparences sont qu’il veut que l’on juge sans m’entendre et sur la seule autorité de ses extraits et des conséquences qu’il y a jointes. C’est donc à ce coup que la dispute va paraître devant les tribunaux ecclésiastiques, et cela sur un nouveau pied. Or, comme il pourrait bien arriver que le tout se passerait sans que j’en eusse nulle connaissance, il est absolument nécessaire que je recoure à la voie d’un factum public qui puisse servir d’instruction aux juges qui en voudront, et ôter à ceux qui n’en voudraient pas, tout lieu de prétendre cause d’ignorance. Je me bornerai à de courtes observations, tant parce que je suis bien aise que la longue apologie de mes Comètes, qui paraîtra dans la troisième édition, puisse avoir la grâce de la nouveauté, que parce que je ne veux point laisser à ceux qui fuient la lumière dans ce procès le prétexte dont on a coutume de se servir en pareil cas, c’est-à-dire que la longueur d’un factum a ôté le courage d’en entreprendre la lecture. »

Il fit voir que M. Jurieu avait donné une fausse idée de ce qui avait été dit dans les Pensées sur les comètes, et qu’il en avait tiré des conséquences fausses et absurdes. Par exemple, ce ministre assure que dans ce livre M. Bayle prétend que « Dieu ne fait jamais de prodiges et de choses extraordinaires pour être des présages de l’avenir, comme tremblemens de terre, météores extraordinaires, signes qui se voient au ciel et en la terre, apparitions, voix, naissances de monstres, débordemens, et qu’il soutient que toutes ces choses se font par des voies naturelles et nécessaires, et que Dieu n’a aucunement dessein de présager par ces sortes de choses ses jugemens à venir sur les hommes, ni même de manifester sa divinité. » Mais ce n’est point là le sentiment de M. Bayle. Il établit que Dieu ne produit jamais par des voies miraculeuses les comètes, les tremblemens de terre, les inondations, les monstres, etc., dans la vue de menacer les infidèles des maux que sa justice leur prépare ; car il ne saurait se persuader que cette conduite, qui ne nous paraît propre qu’à fomenter la superstition abominable des idolâtres, soit conforme à l’idée que nous avons de la bonté, de la sagesse et de la sincérité de Dieu. Il ne prétend pas nier que Dieu ne fasse jamais en aucun pays du monde ce qu’on appelle prodiges ou présages ; il prétend seulement que les choses qui paraissent également et indifféremment parmi les nations infidèles et parmi les enfans de

    comètes, etc., p. 25, 26. Nouvel avis au petit auteur des petits livrets, à la préf., et aux pages 46 et suiv.