Cependant il avouait qu’il n’en avait pas seulement lu le titre [1]. Il intitula cette compilation, Jugement du Public, et particulièrement de M. l’abbé Renaudot, sur le Dictionnaire critique du sieur Bayle [2].
M. Bayle publia là-dessus un écrit intitulé : Réflexions sur un imprimé qui a pour titre, Jugement du Public, etc. [3]. Il dit qu’en publiant cet écrit son principal but était d’avertir le public qu’il travaillait à une défense qui, auprès de tous les lecteurs non préoccupés, serait une démonstration de l’injustice de ses censeurs ; mais que, cette apologie ne méritant pas la destinée des feuilles volantes qui la plupart du temps ne passent pas la première semaine qui les a vues paraître, il la gardait pour être mise au commencement ou à la fin d’un in-folio. Par la même raison, ajoute-t-il, on renvoie là presque tout ce que l’on pourrait dire de considérable contre l’écrit qui vient de paraître, et on se réduit à un petit nombre d’observations faites à la hâte. Il remarque d’abord que le titre de l’écrit de M. Jurieu était trompeur. « Ce libelle-là, dit-il [4], est fort mal intitulé : il ne doit avoir pour titre que : Jugement de l’abbé Renaudot, commenté par celui qui le publie ; car tous les autres juges sont moins que fantômes ; ce sont des êtres invisibles ; on ne sait s’ils sont blancs ou noirs. C’est pourquoi leur témoignage et un zéro sont la même chose... Quelle manière de procéder est-ce que cela ! faire consister le jugement du public en de telles pièces ! J’en pourrais produire de bien plus fortes à mon avantage si la modestie le permettait. Outre cela, que de lettres ne pourrais-je pas publier, où mon adversaire est représenté et comme un mauvais auteur, et comme un malhonnête homme ! mais Dieu me garde d’imiter l’usage qu’il fait de ce que les gens s’entr’écrivent en confidence. C’est une conduite que les païens mêmes ont détestée. »
Il observe que M. Jurieu n’a nommé de tous ses témoins que celui qui était le plus récusable. L’auteur de ce prétendu Jugement du public, dit-il [5], n’a guère été sage dans la distinction qu’il a faite. Il supprime le nom de tous ses témoins, excepté celui qu’il devait cacher principalement, nom odieux et méprisé dans tous les pays qui font la guerre à la France. Je ne me veux point prévaloir de la préoccupation publique ; je veux bien ne le pas considérer du côté de sa Gazette, qui le décrie partout comme un homme habitué à donner un tour malin au mensonge. Je veux le représenter par son beau côté.
» M. l’abbé Renaudot passe pour très-docte et pour être d’un goût si délicat, qu’il ne
- ↑ Je vous avoue que je n’ai pas lu le livre, ni même le titre. Jugement du Public, etc., p. 28.
- ↑ In-4o., pag. 47.
- ↑ In-4o., pag. 16, menu caractère, à 2 colonnes.
- ↑ Réflexions sur un imprimé qui a pour titre, Jugement du Public, etc., p. 1. [Voyez ces Réflexions, tom. XV, p. 247 et suiv.]
- ↑ Ibid., p. 1, 2.