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VIE DE M. BAYLE.

historien ; tout cela me fait dire que ce serait dommage que vous eussiez succombé à la tentation de supprimer un si savant livre. Pour moi, petit particulier, je l’ai reçu avec une reconnaissance que je ne puis vous exprimer, monsieur, et j’entre au moins parmi le peuple des lecteurs en celle que vous doit le public des grandes découvertes que vous, venez de lui donner, et j’en profiterai.

» La différence de parti n’y fait rien, chacun saura bien démêler ce qui lui sera propre. Vous ne faites pas grand cas de nos saints ; mais cette prévention ne vous empêche point de trouver mauvais qu’on leur impute des faussetés évidentes, et on ne peut assez vous savoir gré de votre droiture et de votre sincérité à cet égard. Cet amour de la vérité mérite que Dieu vous éclaire un jour sur toutes les vérités révélées.

» Je me sens la même équité pour vos réformateurs. Je n’ai jamais goûté ni les exagérations ni les impostures des aux zélés ; encore moins les hardiesses de Bolsec, auteur plein de ressentiment ; quelque tenté qu’on puisse être de croire ce qu’on a dit de scandaleux de votre patriarche, qui s’est déclaré avec tant d’éclat contre la plus ancienne des Églises. Ce n’est point par des impostures qu’on doit l’attaquer, et la vérité de ma religion, qu’il a voulu anéantir, n’avait pas besoin de ces secours. Je ne crois point, malgré l’hétérodoxie, tout ce que disent de vos docteurs les catholiques, que quand ils sont soutenus de preuves incontestables ; et le catholicisme ne m’impose point non plus sur le mal que les protestans disent des nôtres, quand les raisons sautent aux yeux. Je ne vous dis point cela, monsieur, pour vous faire passer plus aisément ce que je prendrai la liberté de vous remontrer, ni pour me donner pour modèle sur la sincérité à un homme qui en peut servir aux autres. Quand je n’en userais pas ainsi, un exemple aussi mince que celui d’un homme obscur comme moi ne vous détournerait pas de votre chemin, et vous ne laisseriez pas d’être foudroyant contre les faiseurs de contes. Celui dont il s’agit ici, qu’on a fait du bienheureux Robert d’Arbrisselles, ne saurait manquer d’appartenir à votre Dictionnaire ; car, s’il est véritable, votre Dictionnaire peut s’en saisir en tant qu’historique ; s’il est faux, il peut s’en saisir en tant que critique.

» Mais je suis très-assuré que vous ne le croyez pas vrai, vous l’avouez vous-même, monsieur..... Je n’ai garde, dites-vous, d’affirmer ce qu’on dit de lui, car je trouve très-fortes les raisons de l’apologiste. Mais me permettrez-vous, monsieur, de vous dire que vous ne vous êtes peut-être pas assez récrié en cet endroit contre la fausseté, ni avec tant de vivacité que vous l’avez fait en d’autres qui