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VIE DE M. BAYLE.

comme viandes creuses en elles-mêmes, mais qui contentent néanmoins la curiosité de plusieurs lecteurs, selon la diversité des goûts. Qu’y a-t-il, par exemple, de moins intéressant pour le public, que la Bibliothéque choisie du sieur Colomiés ; ouvrage qui a été néanmoins regardé comme très-bon en son espèce, et duquel les curieux de particularités littéraires sont presque enchantés ? Je vous pourrais nommer plusieurs autres livres qui se font lire, sans contenir rien qui intéresse le public. »

1704.

M. Teissier fit imprimer à Berlin, en 1704, de Nouvelles Additions aux Éloges des Hommes savans tirés de l’Histoire de M. de Thou, tome III. M. Bayle avait critiqué dans son Dictionnaire plusieurs passages des deux premiers tomes : M. Teissier convint dans celui-ci que quelques-unes des remarques de M. Bayle étaient bien fondées, et entreprit de défendre les autres endroits qui avaient été censurés. Mais il fit paraître en même temps beaucoup d’estime et de respect pour M. Bayle. « Je lui ai beaucoup d’obligation, dit-il [1], de ce qu’il a bien voulu prendre la peine de lire cet ouvrage, et de m’indiquer les endroits où je me suis mépris. Les autres auteurs qu’il a critiqués devraient, aussi-bien que moi, lui en témoigner leur gratitude, et reconnaître qu’il a rendu un grand service à le République des lettres en découvrant leurs bévues. » M. Teissier semblait même se défier de la justesse de ses réponses. « Je ne sais, dit-il, si j’aurai bien soutenu ma cause, car j’ai à faire à un redoutable adversaire, je veux dire, à un critique d’une vaste érudition, d’un jugement exquis, d’une exactitude extrême, et qui s’est signalé par plusieurs victoires, qu’il a remportées sur les plus grands héros de la république des lettres. » M. Bayle répondit à M. Teissier par un mémoire inséré dans l’Histoire des Ouvrages des Savans [2]. Il dit que deux raisons l’avaient porté à se hâter de publier ce mémoire : l’une, pour témoigner à M. Teissier combien il était sensible à sa politesse, et le cas qu’il faisait de son ouvrage ; et l’autre, pour prévenir les conséquences qu’on eût pu tirer des réponses de M. Teissier. « Ce serait, dit-il, un très-fâcheux préjugé contre tout mon Dictionnaire, si, entre les observations critiques qui se rapportent aux Additions de M. Teissier, il y en avait un aussi grand nombre de mal fondées qu’il le prétend. J’ai donc cru qu’il était de mon devoir de faire quelques discussions, afin de mettre tous les lecteurs en bon état de juger de la dispute. » Il fait voir ensuite que M. Teissier lui impute des choses qu’il n’a point dites, qu’il le rend responsable de ce qu’ont avancé les auteurs qu’il cite ; qu’il s’est quelquefois exprimé d’une

  1. Nouvelles additions, etc., dans l’avertissement.
  2. Mai 1704, p. 200 et suiv.