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VIE DE M. BAYLE.

preuve ? » Il ajoute que M. le Clerc lui-même a été obligé de se défendre plusieurs fois de l’accusation de socinianisme, dont il demeure chargé.

M. Bayle donne après cela le précis de sa doctrine sur le sujet dont il s’agit, et la réduit à ces trois propositions [1] :

« I. La lumière naturelle et la révélation nous apprennent clairement qu’il n’y a qu’un principe de toutes choses, et que ce principe est infiniment parfait.

 » II. La manière d’accorder le mal moral et le mal physique de l’homme avec tous les attributs de ce seul principe de toutes choses infiniment parfait, surpasse les lumières philosophiques, de sorte que les objections des manichéens laissent des difficultés que la raison humaine ne peut résoudre.

 » III. Nonobstant cela il faut croire fermement ce que la lumière naturelle et la révélation nous apprennent de l’unité et de l’infinie perfection de Dieu, comme nous croyons par la foi et par notre soumission à l’autorité divine le mystère de la trinité, celui de l’incarnation, etc. »

M. Bayle ajoute qu’il sera très-assurément réputé orthodoxe sur la première et sur la troisième proposition ; et que si on l’attaque sur la seconde, on attaquera Luther et Calvin, et tout le corps des églises protestantes, et même presque tout le christianisme. Il est persuadé que jamais personne ne prouvera que ces trois propositions ne sont pas ce qu’il enseigne constamment dans ses ouvrages, ou que s’il les a établies dans quelques endroits, il a établi les trois propositions contraires dans quelques autres.

Il fait ensuite quelques considérations générales sur ce qu’il y a de dogmatique dans l’écrit de M. le Clerc, ne voulant pas entrer dans des détails de critique qui le mèneraient trop loin. « On supprimera donc, dit-il [2], beaucoup de remarques qui montreraient où M. le Clerc prend les choses à contre-sens, où il déguise l’état de la question, où il se plaint mal à propos qu’on n’a pas bien entendu ses pensées, où il trouve des contradictions chimériques, où il se donne la liberté de distinguer en deux espèces ce qui n’en fait qu’une, où il retranche ce qui ne l’accommode pas, où il ajoute ce qui l’accommode, etc. » M. le Clerc imputait à M. Bayle d’accuser Dieu de n’être ni bon ni saint ; « Quelle horrible calomnie ! s’écrie M. Bayle [3] ; quelle imposture malicieuse ! ou pour le moins quel manque de discernement ! Mais à qui persuadera-t-on que M. le Clerc, habile homme autant qu’il l’est, a bronché ici par stupidité, et pour n’avoir su distinguer deux choses visiblement différentes ? l’une est de dire que Dieu est infiniment bon et saint, quoique notre raison ne connaisse pas la manière dont sa bonté et sa sainteté s’accordent avec la

  1. Ibid., p. 18.
  2. Ibid., p. 20.
  3. Ibid., p. 29.