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VIE DE M. BAYLE.

main en cette vie, et avec les crimes et les tourmens éternels du plus grand nombre des hommes dans la vie à venir. » Mais M. le Clerc qui accordera à son adversaire que les notions communes, c’est-à-dire, les idées que nous avons de la bonté et de la sainteté en général, nous doivent servir de règle pour juger de la bonté et de la sainteté de Dieu, sera obligé de s’éloigner du sentiment des autres chrétiens, en niant d’abord avec Origène l’éternité des peines de l’enfer ; et, ne trouvant pas même ce poste soutenable, il sera forcé de se jeter dans des conjectures, et de réduire la bonté et la sainteté de Dieu à un problème dont on n’apprendra la solution que dans l’autre monde. Sur quoi M. Bayle observe que M. le Clerc s’était précisément mis dans le cas sur lequel il fondait son accusation. Car, selon lui, le grand crime de M. Bayle est de croire qu’aucun système chrétien n’est capable de résoudre les objections manichéennes contre la bonté et la sainteté de Dieu : or M. le Clerc est persuadé de la même chose, puisque sur l’éternité des peines il abandonne tous les systèmes des chrétiens, et même celui d’Origène, et qu’il se retranche seulement dans des peut-être, et des probabilités. D’où il s’ensuit que selon M. le Clerc il n’y a aucun système chrétien qui puisse résoudre les objections du manichéisme contre la bonté et la sainteté de Dieu. « C’est néanmoins, ajoute-t-il [1], le seul fondement de l’accusation qu’il a intentée à M. Bayle : il s’est donc percé lui-même du coup qu’il lui a porté. Il a mal tiré de ce fondement de l’accusation plusieurs conséquences, qui sont les calomnies qu’il a débitées contre M. Bayle. Il a dit que ceux qui soutiennent qu’on ne peut répondre aux objections du manichéisme, attaquent la bonté et la sainteté de Dieu, et l’accusent de n’être ni bon ni saint, et ne sont point recevables à dire qu’ils le croient bon et saint ; car n’ayant aucune raison de croire qu’il le soit, ils tombent manifestement en contradiction, etc. Ces conséquences et toutes les autres que je n’articule pas retombent également sur l’accusateur et sur l’accusé. Cela ne peut plus souffrir de doute. »

Pour terminer cette dispute M. Bayle offre [2] à M. le Clerc de subir le jugement des facultés de théologie de Leyde, d’Utrecht, de Franeker, de Groningue, etc. Il lui propose de faire dresser une requête qu’on présentera à ces facultés, et où l’on marquera la peine qu’il voudra que l’on inflige à celui qui perdra sa cause. M. Bayle signera cette requête conjointement avec lui. M. le Clerc y joindra les propositions qu’il aura extraites des livres de M. Bayle, et les communiquera à sa partie, qui au cas qu’elles se trouvent en autant de mots dans ses ouvrages, et sans aucune mutilation essentielle, les souscrira. Les facultés de théologie connaîtront par cette requête et par ces extraits ce que l’on de-

  1. Ibid., p. 68.
  2. Ibid., p. 72 et suiv.