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ACAMAS

(A) Le fit élever par Æthra, aïeule paternelle d’Acamas. ] Il faut savoir que Castor et Pollux, faisant une irruption dans l’Attique pour recouvrer Hélène leur sœur, prirent la ville d’Aphidnes. C’était là que cette belle avait été envoyée par son ravisseur. Æthra, mère de Thésée, y avait été envoyée en même temps. Ils la firent prisonnière, et l’emmenèrent à Lacédémone. Elle s’y trouva lorsque Pâris enleva Hélène, et on l’y embarqua pour Troie. Démophoon et Acamas suivirent les autres Grecs, principalement afin de délivrer cette bonne femme, leur aïeule, ou en payant sa rançon, ou par la prise de la ville[1]. Ils la rencontrèrent dans les rues durant le saccagement de Troie ; et ayant appris qui elle était, ce ne furent qu’embrassemens réciproques[2]. Ce fut alors qu’Æthra fit reconnaître Munitus par son père Acamas[3]. Elle l’avait élevé ; car Laodice lui avait fait confidence de ce qui s’était passé dans la maison de Persée. Jean Cornarius a fait une assez grosse bévue dans sa traduction de Parthénius : il a rendu ces paroles : ὃν ὑπ᾽ Αἴθρᾳ τραϕέντα μετὰ, Τροίας ἅλωσιν διεκόμισεν ἐπ᾽ ὀίκου, par celles-ci, quem sub dio enutritum post Troiœ captivitatem transportavit in domum. Il fallait dire élevé par Æthra, et non pas nourri à la belle étoile. Nous allons citer Plutarque, qui rapporte que quelques-uns traitaient tout ceci de fabuleux.

(B) Eut nom Munitus. ] Il suivit son père en Thrace, et y mourut d’une morsure de serpent[4]? Il est nommé Munychus, Μούνυχος, dans Plutarque, à la vie de Thésée ; mais, puisque Parthénius, Lycophron et Tzetzès le nomment constamment Munitus, Μούνιτος, il faut croire que le texte de Plutarque a été altéré en cet endroit-là, ou que l’auteur ne se souvenait pas bien de la vraie prononciation de ce mot. Ne nous arrive-t-il pas tous les jours, quand nous citons de mémoire quelque auteur, d’y brouiller quelque syllabe, et quelquefois même plus d’une ? Je parlerai plus amplement de cela dans l’article Éphore. Je ne sais s’il ne faut pas imputer à un défaut de mémoire ce que dit Plutarque, que ce fut Démophoon qui coucha avec Laodice. Peut-être l’avait-il lu dans quelques auteurs que nous ne connaissons point ; peut-être aussi que Tzetzès avait lu dans quelqu’un de ces écrivains perdus que les aventures de Phyllis regardaient Acamas. Quoi qu’il en soit, il semble que l’on ait usé de compensation et de dédommagement envers ces deux frères. Si Plutarque ôte d’un côté à Acamas les bons momens passés avec Laodice, et s’il les transporte à Démophoon, d’autre côté Tzetzès ôte à celui-ci les nuits agréablement passées auprès de Phyllis, et les transporte à Acamas. Parlons plus sérieusement. Si Meursius eût bien pesé les passages où le fils de Laodice est appelé Munitus, il ne se fût pas servi des paroles de Plutarque pour prouver que le port de Munychia n’avait point tiré son nom de Munychus, fils de Pantacles, comme on le dit ordinairement, mais de Munychus, fils de Démophoon et de Laodice[5]. Voici les termes de Plutarque : Οἱ δὲ καὶ τοῦτο τὸ ἐπος διαϐάλλουσι, καὶ τὴν περὶ Μουνύχου μυθολογίαν, ὃν ἐκ Δημοϕοῦντος Λαοδίκης κρύϕα τεκούσης ἐν Ἰλίῳ συνεκθρέψαι τὴν Αἴθραν λέγουσι [6]. Alii hunc versum rejiciunt (c’est celui où Homère dit qu’Hélène mena Æthra avec elle a Troie), et Munychi fabulam quem ex Demophoonte à Laodice clàm editum Ilii crevisse sub Æthrâ memorant.

(C) Acamas aborda dans l’île de Cypre. ] Il y avait dans cette île une montagne nommée Acamas, qui avait tiré son nom du fils de Thésée. Hésychius l’atteste, et remarque que la rivière Bocarus qui passait par Salamine, avait sa source dans cette montagne. Les géographes parlent du promontoire Acamas, fort notable dans la même île[7]. Il y en a même qui observent que toute l’île s’appelait autrefois Acamantis[8] ; mais

  1. Scholiast. Euripid. in Hercul. Pausan., lib. X, pag. 342.
  2. Quintus Calaber, lib. XIII, vs. 496. Pausanias, lib. X, pag. 342
  3. Tzetzès sur Lycophron, cité par Méziriac, sur les Epîtres l’Ovide, pag. 143.
  4. Parthenii Eroticor., cap. XVI.
  5. Meursius, lib. I, cap. XIV Lect. Atticar. cité par Méziriac, qui reprend cette faute dans ses Comment, sur les Epîtres d’Ovide, pag. 144.
  6. Plut. in Theseo, sub fin. pag. 16.
  7. Sirabo, lib. XIV ; Ptolem., lib. V, cap. XIV. Plin., lib. V ; cap. XXXI.
  8. Philonides apud Plin, lib. V, cap. XXXI. Stephanus, verbo Κύπρος.