Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/178

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 dans le Rhin, il dit à ce monarque :
Sire, avez-vous besoin du bâton de maréchal ?

Heureusement on ne prouve nulle part que ce grand homme ait dit cette
grande sottise. C’eût été dire au roi devant toute son armée : Vous
moquez-vous donc, Sire, de vous exposer dans un fleuve ? Pour courir de
pareils dangers, il faut avoir besoin d’avancement ou de fortune !

Ainsi l’homme le plus vaillant, le plus grand général du siècle aurait
compté pour rien l’honneur, le patriotisme et la gloire ! un misérable
calcul d’intérêt eût été, selon lui, le seul principe de la bravoure ! il
eût dit là un affreux mot ! et si j’en avais pris le sens, pour
l’enfermer dans quelque trait, je mériterais le reproche qu’on fait
gratuitement au mien.

Laissons donc les cerveaux fumeux jouer ou blâmer au hasard, sans se
rendre compte de rien ; s’extasier sur une sottise, qui n’a pu jamais
être dite, et proscrire un mot juste et simple, qui ne montre que du bon
sens.

Un autre reproche assez fort, mais dont je n’ai pu me laver, est d’avoir
assigné pour retraite à la Comtesse un certain couvent dUrsulines.
Ursulines ! a dit un seigneur joignant les mains avec éclat.
Ursulines ! a dit une dame en se renversant de surprise sur un jeune
anglais de sa loge. Ursulines ! ah ! Milord ! si vous entendiez le
français !… Je sens, je sens beaucoup, Madame, dit le jeune homme en
rougissant.--C’est qu’on n’a jamais mis au théâtre aucune femme aux
Ursulines ! Abbé, parlez-nous donc ! l’Abbé, (toujours appuyée sur
l’anglais) comment trouvez-vous Ursulines ? Fort indécent, répond
l’abbé, sans cesser de lorgner Suzanne ; et tout le beau monde a
répété : Ursulines est fort indécent. Pauvre auteur ! on te croit jugé,
quand chacun songe à