Page:Beaumarchais - Œuvres choisies, édition 1913, tome 2.djvu/182

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 quand, parcourant
tous les possibles, je le montrerais avec son maintien équivoque, haut
et bas à la fois ; rampant avec orgueil ; ayant toutes les prétentions
sans en justifier une ; se donnant l’air du protégement pour se faire
chef de parti ; dénigrant tous les concurrens qui balanceraient son
crédit ; fesant un métier lucratif de ce qui ne devrait qu’honorer ;
vendant ses maîtresses à son maître, lui fesant payer ses plaisirs, &c.
&c. et quatre pages d’&c. il faudrait toujours revenir au distique de
Figaro. Recevoir, prendre et demander ; voilà le secret en trois mots.

Pour ceux-ci, je n’en connais point ; il y en eut, dit-on, sous Henri
III, sous d’autres rois encore ; mais c’est l’affaire de l’historien ; et
quant à moi, je suis d’avis que les vicieux du siècle en sont comme les
saints ; qu’il faut cent ans pour les canoniser. Mais puisque j’ai promis
la critique de ma pièce, il faut enfin que je la donne.

En général son grand défaut est que je ne l’ai point faite en observant
le monde ; qu’elle ne peint rien de ce qui existe, et ne rappelle jamais
l’image de la société où l’on vit ; que ses mœurs basses et corrompues
n’ont pas même le mérite d’être vraies. Et c’est ce qu’on lisait
dernièrement dans un beau discours imprimé, composé par un homme de
bien, auquel il n’a manqué qu’un peu d’esprit pour être un écrivain
médiocre. Mais médiocre ou non, moi qui ne fis jamais usage de cette
allure oblique et torse avec laquelle un sbire, qui n’a pas l’air de
vous regarder, vous donne du stilet au flanc, je suis de l’avis de
celui-ci. Je conviens qu’à la vérité la génération passée ressemblait
beaucoup à ma pièce, que la génération future lui ressemblera beaucoup
aussi, mais que pour la génération présente elle ne lui ressemble
aucunement ; que je n’ai jamais rencontré