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i2,S ESSAI SUR LE GENRE

de inLTite. Il snfiîra seulement de développer les causes de cet effet aussi coustant que naturel, et d'examiner Tobjet moral dans la comparaison des deux genres.

La gaieté légère nous distrait ; elle tire, en quel- que façon notre ame hors d'elle-même, et la répand autour de nous : on ni^ rit bien (ju'en compagnie. Mais si le tableau gai du ridicule amuse un moment l'esprit au spectacle , l'expérience nous apprend ■ que le rire qu'excite en nous un trait lancé . meurt absolument sur sa victime , sans jamais réllécbir jusqu'à notre cœur. L amour-propre , soigneux de se soustraire à l'.Tpplication , se sauve à la faveur des éclats de l'a .semblée , et profile du tumulte gé- néral pour écarter tout ce qui pourroit nous conve- nir dans lépigrainme. Jusque-là le mal n'est pas grand , pour-\ii qu'on n'ait livré à la risée publique qu'un péJaul , uu fat, nue cocjuette, un extrava- gant, une inibécille, une bamboche, en un mot, tous les ridicules de la société. Mais la moquerie qui les punit i^st-elle l'arme avec laquelle on doit attaquer le vice. Est-ce en plaisantant qu'on croit l'altérer.^ Xon seulement on manqueroit son but , mais on feroit p'écisément le contraire de ce qu'on s'étoit proposé. INous le voyons arriver dans la plu- part des pièces comiqaes, à la honte de Ja moiale, le spectateur ^' aorprend trop souvent à s'intéresser pour le fripon contre riiounête homme, parceque celui-ci est toujours le moins plaisant des deux. Mais si la gaieté des scènes a pu m'entraiuer uu mo- ment, bientôt humilié de mètre laissé prendie au piège des bons mots o'.i du jeu théâtral , je me retire mécontent de l'auteur, de l'ouvrage, et de moi-même. La moralité du genre plaisant est donc ou peu pro- fonde, ou nulle, ou même inverse de ce qu'elle tle- vroit être au théâtre.

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