Page:Beaumarchais - Œuvres choisies Didot 1913 tome 1.djvu/166

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i3o ESSAI SUR LE GENRE

itie poursuit, et uia conclusion est sûrement de chercher à me corriger: ainsi je sors dti spectacle meilleur que je n'y suis entré , par cela seul que j'ai été attendri.

Si l'injure qu'on me fait est criante, et vient plus du fait d'autrui que du mien, la moralité du drame attendrissant sera plus douce encore pour moi. Je descendrai dans mon cœur avec plaisir; et là, si j'ai rempli tous mes devoirs envers la société, si je suisLon parent, maître équitable, ami bienfaisant, homme juste, et ciloyen utile; le sentiment inté- rieur me consolant de l'injure étrangère, je chérirai le spectacle qui m'aura rappelé que je tire de l'exer- cice de la vertu la plus grande douceur à laquelle un homme sage puisse prétendre, celle d'être con- tent de lui, et je retournerai pleurer avec déli.es au tableau de l'innocence ou de la vertu persécutée.

Ma situation est-elle heureuse au point que le drame ne puisse m'ofirir aucune application per- sonnelle, ce (jui est j)nuriant assez rare, alors la mo- ralité tournant tout au prolit de ma sensibilité, je me saurai gré d'être capable de m'attendrir sur des maux qui ne peuvent me menacer ni m'atteiudre: cela me prc^-rera que mon nme est bonne et ne s'é- loigne pas de la pratique des vertus bienfaisantes. Je sortirai satisfait, emu, et aussi content du théâtre que de moi-même.

Quoique ces réflexions soient sensiblement vraies, je ne les adresse pasindisfinctemeut à tout le monde. L'homme qui craint de pleurer, celui qui refuse de s'attendrir, a un vice d:.)., le cœur, ou de fortes rai- sons' de n'oser y renucripour com]>ter avec lui7 même : ce n'est pas à lui (jue je parle, il est étranger à tout ce que je viens de dire. Je parle à l'homme sensible, à qui il est suaveut arrivé de s'en aller aussitôt après un drame atteudrissant. Je m'adresse

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