Mon sexe est ardent, mais timide : un certain charme a beau nous attirer vers le plaisir, la femme la plus aventurée sent en elle une voix qui lui dit : Sois belle si tu peux, sage si tu veux ; mais sois considérée, il le faut. Or, puisqu’il faut être au moins considérée, que toute femme en sent l’importance, effrayons d’abord la Suzanne sur la divulgation des offres qu’on lui fait.
Où cela mènera-t-il ?
Que, la honte la prenant au collet, elle continuera de refuser le comte, lequel, pour se venger, appuiera l’opposition que j’ai faite à son mariage ; alors le mien devient certain.
Elle a raison. Parbleu ! c’est un bon tour que de faire épouser ma vieille gouvernante au coquin qui fit enlever ma jeune maîtresse.
Et qui croit ajouter à ses plaisirs en trompant mes espérances.
Et qui m’a volé dans le temps cent écus que j’ai sur le cœur.
Ah ! quelle volupté !…
De punir un scélérat.
De l’épouser, docteur, de l’épouser !
Scène V
L’épouser, l’épouser ! Qui donc ? mon Figaro ?
Pourquoi non ? Vous l’épousez bien !
Le bon argument de femme en colère ! Nous parlions, belle Suzon, du bonheur qu’il aura de vous posséder.
Sans compter monseigneur, dont on ne parle pas.
Votre servante, madame ; il y a toujours quelque chose d’amer dans vos propos.
Bien la vôtre, madame. Où donc est l’amertume ? n’est-il pas juste qu’un libéral seigneur partage un peu la joie qu’il procure à ses gens ?
Qu’il procure ?
Oui, madame.
Heureusement la jalousie de madame est aussi connue que ses droits sur Figaro sont légers.
On eût pu les rendre plus forts en les cimentant à la façon de madame.
Oh ! cette façon, madame, est celle des dames savantes.
Et l’enfant ne l’est pas du tout ! Innocente comme un vieux juge !
Adieu, jolie fiancée de notre Figaro.
L’accordée secrète de monseigneur.
Qui vous estime beaucoup, madame.
Me fera-t-elle aussi l’honneur de me chérir un peu, madame ?
À cet égard, madame n’a rien à désirer.
C’est une si jolie personne que madame !
Eh ! mais assez pour désoler madame.
Surtout bien respectable !
C’est aux duègnes à l’être.
Aux duègnes ! aux duègnes !
Marceline !
Allons ! docteur, car je n’y tiendrais pas. Bonjour, madame.
Scène VI
Allez, madame ! allez, pédante ! Je crains aussi peu vos efforts que je méprise vos outrages. — Voyez cette vieille sibylle ! parce qu’elle a fait quelques études et tourmenté la jeunesse de madame, elle veut tout dominer au château ! (Elle jette la robe qu’elle tient, sur une chaise.) Je ne sais plus ce que je venais prendre.
Scène VII
Ah ! Suzon, depuis deux heures j’épie le moment de te trouver seule. Hélas ! tu te maries, et moi je vais partir.