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La Comtesse, haut.

C’est le serein que tu prendras.

Suzanne, haut.

J’y suis toute faite.

Figaro, à part.

Ah ! oui, le serein !

(Suzanne se retire près de la coulisse, du côté opposé à Figaro.)



Scène VI

FIGARO, CHÉRUBIN, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
(Figaro et Suzanne, retirés de chaque côté sur le devant.)


Chérubin, en habit d’officier, arrive en chantant gaiement la reprise de l’air de la romance.

La, la, la, etc.

J’avais une marraine,
Que toujours adorai.

La Comtesse, à part.

Le petit page !

Chérubin s’arrête.

On se promène ici ; gagnons vite mon asile, où la petite Fanchette… C’est une femme !

La Comtesse écoute.

Ah, grands dieux !

Chérubin se baisse en regardant de loin.

Me trompé-je ? à cette coiffure en plumes qui se dessine au loin dans le crépuscule, il me semble que c’est Suzon.

La Comtesse, à part.

Si le comte arrivait !…

(Le Comte paraît dans le fond.)
Chérubin s’approche et prend la main de la comtesse, qui se défend.

Oui, c’est la charmante fille qu’on nomme Suzanne ! Eh ! pourrais-je m’y méprendre à la douceur de cette main, à ce petit tremblement qui l’a saisie, surtout au battement de mon cœur !

(Il veut y appuyer le dos de la main de la Comtesse ; elle la retire.)
La Comtesse, bas.

Allez-vous-en.

Chérubin.

Si la compassion t’avait conduite exprès dans cet endroit du parc, où je suis caché depuis tantôt !

La Comtesse.

Figaro va venir.

Le Comte, s’avançant, dit à part.

N’est-ce pas Suzanne que j’aperçois ?

Chérubin, à la Comtesse.

Je ne crains point du tout Figaro, car ce n’est pas lui que tu attends.

La Comtesse.

Qui donc ?

Le Comte, à part.

Elle est avec quelqu’un.

Chérubin.

C’est monseigneur, friponne, qui t’a demandé ce rendez-vous ce matin, quand j’étais derrière le fauteuil.

Le Comte, à part, avec fureur.

C’est encore le page infernal !

Figaro, à part.

On dit qu’il ne faut pas écouter !

Suzanne, à part.

Petit bavard !

La Comtesse, au page.

Obligez-moi de vous retirer.

Chérubin.

Ce ne sera pas au moins sans avoir reçu le prix de mon obéissance.

La Comtesse, effrayée.

Vous prétendez…

Chérubin, avec feu.

D’abord vingt baisers pour ton compte, et puis cent pour ta belle maîtresse.

La Comtesse.

Vous oseriez ?

Chérubin.

Oh ! que oui, j’oserai ! Tu prends sa place auprès de monseigneur, moi celle du comte auprès de toi : le plus attrapé, c’est Figaro.

Figaro, à part.

Ce brigandeau !

Suzanne, à part.

Hardi comme un page.

(Chérubin veut embrasser la comtesse ; le comte se met entre deux et reçoit le baiser.)
La Comtesse, se retirant.

Ah ! ciel !

Figaro, à part, entendant le baiser.

J’épousais une jolie mignonne !

(Il écoute.)
Chérubin, tâtant les habits du Comte

(À part.) C’est monseigneur !

(Il s’enfuit dans le pavillon où sont entrées Fanchette et Marceline.)



Scène VII

FIGARO, LE COMTE, LA COMTESSE, SUZANNE.
Figaro s’approche.

Je vais…

Le Comte, croyant parler au page.

Puisque vous ne redoublez pas le baiser…

(Il croit lui donner un soufflet.)
Figaro, qui est à portée, le reçoit.

Ah !

Le Comte.

… Voilà toujours le premier payé.

Figaro, à part, s’éloigne en se frottant la joue.

Tout n’est pas gain non plus en écoutant.

Suzanne, riant tout haut, de l’autre côté.

Ah, ah, ah, ah !