Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/313

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CALPIGI, à part.

De quel monstre, grand Dieu ! cette Asie est la proie !

(Il fait signe aux esclaves d’avancer.)

Tarare n’est point prévenu :
S’il arrivait, il est perdu.

SCÈNE IV LES ACTEURS PRÉCÉDENTS. Tous les esclaves, en habits champêtres, ouvrent la fête par des danses.

ATAR dit à tout le sérail :

Saluez tous la belle Irza !
Je la couronne ; elle est sultane.

(Il lui attache au front un diadème de diamants.) CHŒUR UNIVERSEL.

Saluons tous la belle Irza !
L’Amour, du fond d’une cabane,
Au trône d’Ormus l’éleva.
Du grand Atar elle est sultane.,

(On danse.) (Le ballet fini, des esclaves apportent des vases de sorbet, des liqueurs et des fruits, devant Atar et la sultane. Spinette reste auprès de sa maîtresse, prête à la servir.)

ATAR, avec joie.

Calpigi, ton zèle m’enchante !
J’aime un esprit fertile à qui tout obéit.
Des mers de votre Europe, et contre toute attente,
Apprends-nous quel hasard dans Ormus t’a conduit.
Mais, pour amuser mon amante,
Anime ton récit d’une gaité piquante.

CALPIGI, à part, d’un ton sombre.

J’y veux mêler un nom qui nous rendra la nuit.

(Il prend une mandoline, et chante sur le ton de la barcarole.) (La danse figurée cesse ; tous les danseurs et danseuses se prennent par la main pour danser le refrain de sa chanson.)

CALPIGI. Premier couplet.

Je suis né natif de Ferrare :
Là, par les soins d’un père avare,
Mon chant s’étant fort embelli,
Ahi ! povero Calpigi !
Je passai, du Conservatoire,
Premier chanteur à l’oratoire
Du souverain di Napoli :
Ah ! bravo, caro Calpigi !

(Le chœur répète le dernier vers. On danse la ritournelle.) (À la fin de chaque couplet, Calpigi se retourne, et regarde avec inquiétude du côté par où il craint que Tarare n’arrive.)

Second couplet.

La plus célèbre cantatrice
De moi fit bientôt par caprice
Un simulacre de mari :
Ahi ! povero Calpigi !
Mes fureurs ni mes jalousies
N’arrêtant point ses fantaisies,
J’étais chez moi comme un zéro :
Ahi ! Calpigi povero !

(Le chœur reprit le dernier vers. On danse la ritournelle.)

Troisième couplet. Je résolus, pour m’en défaire. De la vendre à certain corsaire Exprès passé de Tripoli : Ah ! bravo, caro Calpigi ! Le jour venu, mon traître d’homme, Au lieu de me compter la somme, M’enchaîne au pied de leur châlit : Ahi ! povero Calpigi ! (Le chœur répète le dernier vers. On danse la ritournelle.)

Quatrième couplet. Le forban en fit sa maîtresse ; De moi, l’argus de sa sagesse ; Et j’étais là tout comme ici : Ahi ! povero Calpigi ! (Spinette, en cet endroit, fait un grand éclat de rire.) ATM !. Qu’avez-vous à rire, Spinette ? CALPIGI. Vous voyez ma fausse coquette. ATAR. Dit-il vrai ? SPINETTE. Signor, e vero. CALPIGI achève l’air. Ahi ! Calpigi povero ! (Le chœur répète le dernier vers. On danse la ritournelle.) (Ici l’on voit dans le fond Tarare descendre par une échelle de soie ; Calpigi l’aperçoit.) CALPIGI, à part. C’est Tarare !

Cinquième couplet (plus vite). Bientôt, à travers la Libye, L’Égypte, l’Isthme et l’Arabie, Il allait nous vendre au Sophi : Ahi ! povero Calpigi ! Nous sommes pris, dit le barbare. Qui nous prenait ? Ce fut Tarare. ASTASIE. faisait un cri. Tarare ! TOUT LE SÉRAIL s’écrie. Tarare ! ATAR, furieux. Tarare ! (Il renverse la table d’un coup de pied.) (Astasie se lève troublée. Spinette la soutient. Au bruit qui se fait, Tarare, à moitié descendu, se jette en bas dans l’obscurité.) SPINETTE, à Astasie. Dieux ! que ce nom l’a courroucé ! ATAR. Que la mort, que l’enfer s’empare