Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/393

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déclaration de madame Goëzman dans son récolement, où elle dit que le sieur le Jay la sollicitait pour obtenir des audiences de son mari pour le suppliant, si M. Goëzman eût accordé si facilement ces audiences, le suppliant n’aurait pas eu recours à des intermédiaires, et ces intermédiaires ne se seraient pas adressés à madame Goëzman pour les obtenir. Le langage tenu par madame Goëzman dans son récolement dément celui qu’on lui a fait tenir dans le mémoire distribué en son nom.

Mais, dit M. Goëzman dans le mémoire de sa femme et dans sa note, les anciennes ordonnances interdisent aux juges toute communication avec les parties plaidantes : le juge ne doit donc point les entendre ailleurs que dans son auditoire.

Le suppliant ne se serait jamais attendu qu’un magistrat qui se vante’de marcher sur les traces des Pithou, desMabillon, des Bignon, des Baluze et des Ducange, lit une application si fausse et si déplacée de nos ordonnances. Il n’est pas vrai qu’elles interdisent aux juges toute communication avec les parties, mais seulement des fréquentations dont pourront être causées vraisemblables présomptions et suspicions de mal : tel est leur langage. Ce ne sont donc que les fréquentations et habitudes familières avec les parties qui sont interdites aux juges ; c’est sur ce principe que l’ordonnance de I i in, qui est une de celles citées par M. Goëzman, défend, par l’article fi, aux juges de boire et de manger avec les parties plaidantes devant eux. Mais il est absurde de conclure de là que le juge, et surtout celui qui est rapporteur, doive refuser au plaideur la satisfaction de le voir et de lui expliquer son affaire ; il est plus absurde encore de dire que le rapporteur ne doit point entendre les pailies ailleurs que dans son auditoire : il n’y a point d’auditoire pour les procès appointe— el les causes mises en délibéré ; les parties, ne pouvant alors être entendues dans l’auditoire, seul obligées d’aller trouver le juge dans sa maison pour l’instruire. Cela s’est pratiqué de tout temps, dans tous les pays, dans tous les tribunaux, et cela se pratique journellement dans les causes mêmes qui se plaident à l’audience par le ministère d’avocats. Malgré la discussion qui s’en l’ait dan ? le lieu de l’auditoire, les juges ne refusent point aux partie, — la satisfaction de les recevoir chez eux et de les entendre ; le suppliant a peur garant de celle vérité une partie des magistrats qui doivent juger le procès actuel : ils ont eu la bonté de lui donner audience chez eux et de l’entendre lors même des plaidoiries de sa cause, et ils lui ont accordé la même grâce dans le temps qu’elle a été en délibéré. Les lois romaines ne défendaient point aux juges d’entendre les parties, mais seulement de vendre . Tago bi du mémoire de madame Goëzman. les audiences : non Visio ipsa preesidis cum prelio… 1, ne quis prœsidum munus donumve caperet. Loi IV. de officia prœsidis. Mais ces lois, loin d’interdire aux juges d’entendre les parties, leur en prescrivaient l’obligation ; elles voulaient que l’oreille du juge fût ouverte aux pauvres comme aux riches : seque aures judicantis pauperrimis ac dit itibus resen nlur. » ’. ni. après des textes aussi précis, M. Goëzman peut-il invoquer la disposition des lois, pour autoriser le refus par lui fait obstinément d’accorder audience au suppliant ? Mais, dit-on, la cause ayant été amplement discutée lors des plaidoiries, M. Goëzman n’avait pas besoin d’instructions nouvelles. Le suppliant répond qu’il s’agissait dans la cause, non-seulement de sa fortune, mais de son honneur ; que son adversaire avait fait plaider aux audiences auxquelles, à cause de sa détention, il n’avait pu assister, une foule de faits aussi faux qu’injurieux, et entre autres sur des lettres écrites par le suppliant au sieur Duverney, et sur les réponses de celui-ci, qui prouvaient que ce respectable citoyen, cet homme si éclairé, si judicieux, avait discuté le compte, et n’en avait signé l’arrêté que dans la plus grande connaissance de cause. Il importait au suppliant de faire connaître à son rapporteur toute la noirceur des calomnies qui avaient été débitées contre lui : il lui importait de lui faire voir ces lettres, de les lui faire lire les unes après les autres, de lui montrer que tout ce qu’on avait dit sur le format, sur le pli, était un tissu d’absurdités ; et même que, s’il y en avait une qui fût altérée, l’altération n’avait été faite que pendant que les pièces avaient été dans les mains de son adversaire, par la communication qui lui en avait été donnée de bonne foi. Le suppliant avait eu, au sujet de ces lettres, plusieurs conférences avec M. Dufour, son rapporteur aux requêtes de l’hôtel : i] S e Halle de l’avoir convaincu de leur sincérité. Il voulait, il desirait ardemment avoir aussi des conférences avec M. Goëzman, devenu son rapporteur en la grand’cliambre, | ■ lui démontrer, les lettres a la main, jusqu’à quel point son adversaire en avaii abusé à l’audience-, el cependant M. Goëzman lui refusait tout entretien, tout rendezVull-, Mais, dit-on encore, le suppliant ne s’est pas contenté de solliciter des audiences : il ■> donné de l’argent, il a fait des présents pour les obtenir, el le— mil lances le défendent expressément. La réponse est simple et péremptoire. Ce sont les dons corrompabh-s, les traités faitsavec les juges sur le fait des procès, que les lui.— défendent aux parties. Mais nulle loi ne leur interdit de demander audience aux juges, el de solliciter ces audiences quand elle— leur —uni refusées. Le suppliant vient