Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/431

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ce qui s’est passé 11. Ah ! monsieur, j’en appelle à votre cœur : ou il m’a trompé, ou il est incapable d’un procédé pareil. Mais comment pouvez-vous avoir sévi contre moi sans constater mon crime ? Et quel est-il, ce crime 22 ? Une fille, par elle-même ou à la persuasion de quelque furieux et à mon insu, se présente contre moi. Je n’ai pas la moindre part à cette affaire, et l’on me croit l’auteur de cette nouvelle scène 33 ! On paraît en fureur contre moi ; on m’accable d’injures, malgré ma faiblesse et ma maladie ; et quand le chagrin de cet événement laisse à mon cerveau déjà affaibli par plus de trente jours de fièvre et de diète, à peine la faculté de penser, on me tourmente, on ne croit pas à ma justification ; on ne veut pas même m’écouter, ni convenir des moyens que je propose pour arranger cette cruelle affaire. Au contraire on part pour Aranjuez, pour aller déshonorer et perdre entièrement un homme que l’on dit aimer avec passion 44 ; coupable ou non, n’importe. Eh ! se donne-t-on la peine de l’examiner loisir ?

Cependant cet homme, accablé sous le poids de sa maladie et de ses violents chagrins, abandonné à lui-même, dans ce cruel état vous écrit à Aranjuez, et pour vous prouver son innocence 55, fait faire des démarches auprès de l’opposante pour la faire désister de sa prétention. Il n’y avait que ce moyen hmpour finir tout d’un coup ; il vous répète à ce sujet ce qu’il vous avait dit ici lui-même ; il vous prie surtout de suspendre les démarches que pouvait vous dicter le ressentiment qui (luisait 6. Chaque pas que vous alliez faire était un poignard que vous lui enfonciez dans le cœur, et chaque blessure était incurable 7. Moi, victime des caprices du sort, et comptant sur votre prudence et sur la bonté de voti quoique sans réponse de votre part, je n’attribuais votre silence qu’au hasard, et je m’empi une seconde lettre de vous rendre compl pérances dont on me flattait au sujet de l’opposante, lesquelles sont justes 8.

Malgré votre silence, j’allais, monsieur, vous récrire, quand la nouvelle de la privation de mon emploi me replongea tout de suite dans les accès de fièvre dont je ne sors qu’à présent 9. Ah ! monsieur, qu’avez-vous fait ?.Yaurez-vous pas à vous reprocher éternellement d’avoir sacrifié légèrement un homme qui vous appartenait, et . Vous m’aimez, monstre que vous êtes ! Et vos lâches impostures ? et votre plainte furtive et calomnieuse ? . Une plainte d’assassiuat.

. Il s’agit bien <’e cette fille ! quand il existe une plainte atroce depuis trois semaines.

. Oui, malheureux, je vous aimais, et c’est ma honte. . Et la plainte 1 la plainte !

. Oui, le plus juste ressentiment. "i. Le poignard qui vous perce est le désespoir de ue m’avoir pas fait périr.

. Des lettres à Aranjuez ? à moi ? Imposteur maladroit ! . Je le crois ; mais c’est de honte qu’il faut mourir. dans I temps même qu’il allait devenir votre frère l ? Quelques égarements passés pouvaient-ils vous l’aire croire aussi légèrement, et sui dans quelles circonstances encore

se présentait-il ce prétendu crime ? Oui, monsieur, je le répète el je le dirai i la face de l’univers, je n’ai aucune part à la démarche de l’opposante ; el depuis ma réconciliation avec vos daines, je n’ai point.changé 2, et je délie qui quece soif au monde de me prouver que depuis cette époque j dit ni écrit de contraire à l’intentii où je suis encore, malgré tout ce qui m’est arrivé, de terminer mou mariage avec mademoiselle votre sœur 3.

La privation de mon emploi n’y fait rien. Le roi et le ministre, mieux informés, me rendront la justice qui m’est due 4. Personne au monde n’a rien à me reprocher. Si j’ai eu des torts vis-à-vis mademoiselle Caron, je les ai réparés par mon retour 3 : hors de là je n’ai à rougir d’aucune action de ma vie. Or j’espère de la clémence de mon souverain qu’il daignera me faire rendre mon emploi quand il saura mon innocence 6. Puis-je espérer de vous, monsieur, à qui elle constera parfaitement quand vous le voudrez, que vous ne vous opposerez point à ma justification ? Elle doit vous intéresser autant que moi-même ".

Je vous remets ci-joint copie des deux lettres ranjuez. Je commeu

que vous les aviez reçues 3. Oui. je crois connaître votre cœur : il ne m’aurait pas sacrifié si cruellement s’il avait pu seulement se douter de mon innocence. Je sens encore de la satisfaction à vous justifier dans mon cœur 9. Et dans la fatalité de mon sort je ne murmure point contre la main qui l’a conduit. Non, je ne renoncerai jamais au bonheur d’appartenir à votre chère famille 10. Hélas ! depuis la dernière promesse mutuelle entre mademoiselle Caron et moi, j’ai bien souffert ! Je compte assez sur la générosité de vos ai croire que vous voudrez bien m’aider à me relever ". Mes supérieurs et nie— ; instruits de mon innocence, me tendront aussi une main secourable:je l’espère avec d’autant plus d’empressement que je n’ai point mérité leur colère 12. . Vous ! mon frèie’Je la tuerais plutôt. ■■-. pousser la fourberie plus loin ? Et nies violences ! et ce pistolet que je vous ai présenté ! et cette plainte que vous oubliez !


’■’,. One je vus ai forcé de contracter le pistolet à la main.

!. Jls vous l’ont rendue eu vous chassant. 

. Eu la mettant à la mort une troisième fois. G. Son innocence ! l’innocence de Clavijo ! L’iche adversaire ! et c’est à moi qu vous adressez !

. Je le crois bien, elles n’ont jamais été écrites. . J’étais perdu par vous, homme indigne, sans la grandeur, sans la justice du roi.

. M’appartenir ! misérable I

1. Je suis vengé. Je ne vous hais plus ; j’irai même implorer SI. de | Grimaldi pour vous obtenir du pain, si je puis, dans un coin du monde; mais jamais a Madrid.

. Aussi n’a-t-on mis que de Injustice à votre punition. M. Whal l seul a eu la générosité d’y mettre de la colère.