Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/449

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

commandations de la famille royale que vous voudriez bien qui n’eussent jamais existé, à cause de ce que j’en ai dit dans mes mémoires Goëzman ; qu’il vous fait présent de vingt-sept mille cinq cents livres, contenues en deux quittances que vous ne m’aviez jamais contestées ; et qu’il vous fait présent surtout du droit de me présenter, quand il vous plaira, pour quatre-vingt-deux mille sept cents livres et plus de titres actifs contre moi, que j’ai déjà payés à M. Duverney, qu’il s’est engagé, par l’acte, de me rendre, et qu’il ne m’a pas rendus. Donc l’arrêt qui annule en entier un acte fait double et signé des deux parties, contenant des clauses aussi incontestables, doit être incontestablement réformé.

Et si cet arrêt renferme des vices aussi énormes, comment ètes-vous assez injuste pour en soutenir la bonté, pour plaider contre sa cassation ? Mais que dis-je ? si vous n’étiez pas le plus injuste des hommes, m’auriez-vous jamais intenté cet absurde procès ? Et je ne confonds pas ici justice avec délicatesse, monsieur le comte. Je sais bien qu’à la rigueur il n’y a pas de raison pour qu’un homme assez adroit pour s’adapter un legs de quinze cent mille francs, à l’exclusion d’une famille entière, ne fasse pas tous ses efforts pour le porter à quinze cent mille livres cinq sous. Mais ces efforts devraient-ils aller jusqu’à l’injustice la plus palpable ? monsieur le comte, je m’en rapporte à vous. Un homme de condition peut bien n’être quelquefois malheureusement ni généreux ni délicat ; mais le plus vil roturier voudrait-il être injuste à cet excès ? je m’en rapporte à vous.

Mais si vous soutenez enfin que M. Duverney n’a rien signé, c’est autre chose. Articulez-le bien positivement, monsieur le comte ; mettez-vous en règle, et voyons cela : ce qui n’empêche pas, en attendant, que l’arrêt qui vous adjuge mon bien d’une façon si révoltante ne doive être cassé, car ce que vous prétendrez alors, on n’a pas dû le décider d’avance. Et, en bonne justice, vous ne pouvez prétendre à vous emparer d’une partie de ma fortune, en me taxant d’un faux au premier chef, sans que vous deviez courir, de votre part, le risque légitime d’y voir fondre et crouler la vôtre tout entière.

Jusqu’ici, comme vous voyez, je n’ai pas réfuté une seule des misérables allégations par l’assemblage desquelles vous espérez parvenir à donner l’acte du 1 er avril pour louche, équivoque, ou même pour faux : non est hic locus, ce n’est pas ici le lieu, parce qu’il suffit des choses mêmes que vous ne contestez pas à l’acte, pour nécessiter la cassation de l’arrêt.

Mais si je ne l’ai pas fait, n’en concluez point que je ne puisse pas le faire, et que je ne le ferai pas d’une façon satisfaisante, lorsqu’il en sera temps. Baste ! on en aura bien assez aujourd’hui quand on vous aura lu, sans que j’abuse encore de la patience du lecteur, en ajoutant l’ennui d’un lonv memoitv a la longueur ennuyeuse du lre.

suffira d’exposer en bref ici comment, ayanl 

constamment établi pour principe de ton- se- arguments que l’acte du 1 er avril est inepte, insensi faux, illusoire et nul, une fausse apparence, en un mot rien, mou adversaire écharpe à plaisir ce pauvre acte ; et cela tant que le peuvent endurer soixante-douze pages in-quarto, bien serrées, sans interlignes. On seul que’ dans sa colère il donnerait beaucoup pour que tous les contraires pussent être vrais en même tennis contre ce pauvre acte.

Ici, c’est M. Duverney qui a signé, daté, sans le regarder, un arrêté de compte, au bas de deux grandes pages à la Tellière, d’une écriture étrangère à ses bureaux, qu’il avait sous les yeux depuis trois jours ; ce qui de ma part, dit-on, est nu abus de confiance énorme 1 : el cela doit parai Ire infiniment probable au lecteur.

Ailleurs, ce n’est plus un abus de confiance ; c’est une date fixe, une signature de M. Duverney, apposée par lui au bas de la seconde pape d une grande feuille de papier blanc, et livrée à mon infidélité : de façon que, pouvant en abuser pour m’approprier des sommes immenses, je me suis platement contente de lui dérober quinze mille francs, ce qui est encore infiniment probable, comme on voit.

Ailleurs, ce n’est plus ni un abus de confiance ni un blanc seing rempli ; l’on suspecte l’écriture de M. Duverney : c’est un faux que j’ai fait. Il est vrai qu’on n’ose pas le dire à pleine bouche, pane que les conséquences en sont plus graves que celles de toutes les petites présomptions qu’on a multipliées à l’infini contre cet acte. Ailleurs, on cherche à prouver la nullité de l’acte par la boute de l’arrêt ; et plus bas, la beauté de l’arrêt par la difformité de l’acte. Et tout cela ne serait rien encore, si, au grand tourment des lecteurs, l’écrivain, établissant toujours une thèse fausse, ne demeurait pas souvent infidèle à sou principe. Exemple :

(Page 29.) Pour établir l’abus de confiance, il commence par raisonner dans la supposition que j’envoyai véritablement les deux doubles signés de moi à M. Duverney, qui les garda trois jours, et m’en fit remettre un daté et signé de lui. Et sur-le-champ, l’orateur, oubliant sa majeure, ajoute que cette hypothèse même serait un nouveau titre de condamnation contre moi, parce qu’il en résulterait de ma part un abus de confiance punissable. Et voyez ce que devient ce raisonnement lorsqu’on le presse. L’acte était-il bon ? il ne pouvait donc pas résulter de son envoi uu abus de confiance. Etait-il mauvais ? il est clair que je ne l’aurais pas exposé à la critique réfléchie de trois jours d’examen de celui qui devait le signer.