Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/461

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légataire, il ne l’eût pas nommé tantôt la Blache et tantôt comte.

Et si cet homme enfin, pour soutenir un procès aussi détestable, ajoutait que, M. Duverney ayant de fort dignes parents très-proches, il n’est pas naturel qu’il ait été préférer, etc., etc. ; qu’un pareil testament est fort suspect, etc., etc. ; que le choix du légataire est bien extraordinaire, etc. ; que la signature et la date pourraient bien être, etc., etc. ; et mille autres raisons de cette force, assaisonnées d’injures ;

Que penserait le comte Alexandre-Joseph de cette chicane ? Ne dirait-il pas que l’antre affreux du monstre n’a jamais vomi de plaideur plus âpre et d’aussi mauvaise foi ? Mais enfin, armé d’un testament bien daté, bien signé de M. Duverney, le légataire universel ne craindrait point, etc., etc., etc. ; et le légataire universel aurait raison.

Il en est ainsi de ce contrat en brevet dont M. Duverney, qui en connaissait bien la légitimité, reçut de ma part la remise comme une preuve il’ 1 ma déférence ; et cela, quoique nous eussions fait la faute énorme entre nous d’en rappel, i le titn exécutom par le nom bien absurde de grosse. Ah ! monsieur le comte de la Blache, si votre bienfaiteur était là !... cet homme en tout si supérieur aux formes, et qui se piquait bien moins de recherche dans ses expressions que de noblesse dans ses actions ! lui qui soutint votre enfance avec tant de générosité ! dont l’argent et le crédit vous ont fait faire un si beau chemin ! dont la sagesse en tout temps guida votre inexpérience, et qui, couronnant tant de bienfaits par le don entier de sa fortune, y aurait même ajouté celui de sa magnanimité, si un codicille en pouvait transmettre l’héritage ! ne vous dirait-il pas, en vous voyant traîner aussi honteusement sa mémoire et son nom de tribunaux en tribunaux : Ah ! que vous êtes dur envers nous, mon héritier ! Les notaires de province ont toujours usé de - cette expression : ilifjii, l contrat la grosse a présentement été -par nous I livri en brevet ; personne avant vous ne s’en est plaint : dans vos écrits, vous excusez "ii-même en eux ce manque d’élégance notariale dans des actes publics, en faveur de ce qu’ils sont notaires de province et non de capitale ! Et vous ne voulez pas la passer à notre bonhomie dans un acte privé ! nous qui n’avons été notaires en aucun lieu du monde ! Ah ! que vous êtes dur envers nous, mon cher héritier !

Dans cet article viii, après avoir apaisé les vapeurs du client, il n’est pas hors de propos de rendre hommage à la bonne foi de l’avocat, qui prétend prouver, par les termes de l’article même, que si ce contrat en brevet a jamais existé, c’était une libéralité pure ; et sa preuve est que M. Duverney, parlant dans cet article, dit impérativement : « J’exige qu’il me rende ce contrat, quoiqu’il ne dût me le remettre que dans le cas où j’aurais fait quelque chose pour lui : ce que je n’ai pu. • Et là, le citateur, s’arrêtant tout court, nous fait un commentaire de deux grandes pages sur cette portion morcelée du texte, pour établir dans Parle un faux emploi sur une libéralité imaginaire ; et le lecteur, qui n’a pas ce texte sous les yeux, ne sait plus que penser : son esprit est ébranlé. Mais, lecteur, ne vous ai-je pas prévenu que ce mémoire était partout un chef-d’œuvre de simplesse et de bonne foi ? Lisez, je vous prie, la partie du texte écartée par mon loyal adversaire : après ces mots : ce que je n’ai pu, vous verrez ceux-ci, que M. Duverney ajoute : Et j’en reçois le fonds de ce contrat en quittance de la somme de soixante mille livres, aux termes dudit contrat.

Donc, aux termes de ce contrat, les soixante mille livres avaient été fournies par moi ; donc, cette rente était fondée sur un capital reconnu ; donc, l’article invoqué pour prouver que c’était une libéralité démontre évidemment le contraire : donc, mon indignation est toujours légitime. Oh ! que c’est un méprisable métier que celui d’un homme qui, pour gagner l’argent d’un autre, s’efforce indignement d’en déshonorer un troisième, altère les faits sans pudeur, dénature les textes, cite à faux les autorités, et se fait un jeu du mensonge et de la mauvaise foi ! Pour moi, si j’avais l’honneur d'être avocat, je c n- bien avilir ma noble profession en me chargeant d’une cause si mauvaise, que je ne pusse la défendre que par ces vils moyens que l’on tolère à peine à la plus basse chicane.

Heureusement ce tort n’est jamais celui d’un célèbre avocat. Toujours scrupuleux dans ses choix, il sait longtemps souffrir avant «le manquer à son noble caractère ; s’il épouse les lionnes causes, il m- se prostitue point aux mauvaises, convaincu qu’un plaidoyer insidieux commet encore plus le défenseur que le plaideur. La haine peut aveugler celui-ci, mais l’autre est froid, rien ne l’excuse ; et sitôt qu’il sort en plaidant des moyens que l’honneur ou la loi lui prescrit, il n’est plus à mes yeux qu’un de ces vils champions du temps féodal qui se jetaient dans l’arène, et, sans s’informer qui avait tort ou raison, y livraient le combat indifféremment pour tout le monde, au prix déshonorant d’un peu d’or.

ARTICLE IX.

Toujours M. Duverney.

c Pour remettre de la balance dans notre k compte, j’exige de son amitié qu’il résilie notre « traité des bois de Touraine : par ce moyen, le c tiers que nous y avons en commun lui restant en <( entier, les soixante-quinze mille livres qu’il a « faites pour nous deux dans l’affaire bu v nent propres, et il ne sera dans le cas d’essuyer « jamais aucune discussion ni procès de la part