Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/480

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encore avec quelle sécheresse il me répond ? et, quoiqu’il me donne deux chevaux, voyez s’il y met un seul mot de monsieur, le moindre petit compliment !

Croyez-moi, monsieur le comte, il est bien consolant pour vous qu’ON puisse dire encore : M. Duverney avait écrit, sur une feuille de papier, au sieur de Beaumarchais, ces mots : « Pour essayer ces chevaux, ils sont allés à l’École militaire : c’est pourquoi vous ne les pourrez avoir que demain. » Et ne voilà-t-il pas que ce fripon de Beaumarchais, pour faire rapporter sa lettre à celle de M. Duverney, laquelle évidemment ne saurait être une réponse, écrit après coup sur la même page et feuille :

« Je vous remercie du présent de vos deux chevaux d’artillerie…, je vous supplie donc de vouloir bien donner vos ordres pour qu’on les remette à mon cocher… Donnez-moi les plus vigoureux, car ceux-là gagneront bien le dîner que les vôtres mangeront toujours d’avance, etc., etc. » Ah ! le fripon ! le fripon ! le dangereux fripon !

— Quels cris ! quelle fureur ! Ah ! que vous êtes bouillant, rudanier et sans gêne avec les pauvres roturiers, monsieur le comte ! On voit bien que vous êtes de qualité ! Patience ! et puisque cela vous échauffe et ne suffit pas encore à votre conviction, allons au fait : sautons à pieds joints par-dessus toutes les transitions, et présentons une des lettres sur lesquelles on a prononcé ce terrible anathéme (page 49) : « On peut prédire sans témérité qu’il ne les joindra jamais au procès. »

Pardonnez-moi, grand prophète ! je vais joindre la présente aux pièces du procès, quoiqu’elle ait trait à des objets que vous ne saurez jamais. Mais comme elle s’explique assez peu sur ces objets cachés, qu’elle honore assez le cœur de mon ami respectable, et surtout qu’elle prouve assez bien la douce familiarité ; la parfaite confiance et l’entier versement de son âme dans la mienne, j’oserai l’opposer à vos peu redoutables calomnies. Un léger fragment de ma lettre déchirée, je ne sais comment, n’ôtera rien au mérite de la réponse de M. Duverney. Voici ce que je lui écrivais :

« Je ne puis plus rien faire, mon ami ; j’ai suivi exactement ce que vous m’avez ordonné : il a touché l’argent : mais tout cela ne le console pas ; il veut vous voir. Écrivez-moi quelque chose que je puisse lui montrer ; comme vous voudrez. Ma foi, c’est un homme de mérite, et digne de tout ce que vous faites pour lui. Il a des ennemis puissants ; mais, dans ce moment surtout, il paraît vouloir tout abandonner. Je ne crois pas que ce soit votre avis. Savez-vous, mon ami, que tout… serait perdu apparemment, etc. » Le reste manque…

Eh quoi ! M. de Beaumarchais, vous osez nous fairi ci "ne que vous avez écrit à un vieillard respectable de quatre-vingt-quatre ans:i le n j ci puis rien faire, mon ami ; savez-vous, mon ami, etc.’

— Oui, messieurs, je l’ose…

— Vous, jeune homme ! son maigre et dédaigné protégé ! — Oui, messieurs.

— Vous qui n’en étiez page 13 accueilli qu’aci vec la distance qui devait être entre des pi rsonnes si différentes, et sans que jamais l’un ait ii autorisé l’autre à la moindre familiarité ? ■■ — Oui, messieurs.

..’i homme respectable, dont page 50) h l’extrême disproportion d’âge, d’état, de condi< tion, d’occupation; dont tout enfin démontrait • qu’il n’y avait jamais eu la moindre familiarité " entre vous et lui ? > — Oui, messieurs.

— A cet auguste vieillard" ? tandis que page o i tous ses billets de rendez-vous promeut la séchen sse avec laquelle il vous répondait, et dont il ci parait que vous n’avez jamais reçu par écrit un "seul mot d’honnêteté ? » — Oui, messieurs, ne vous déplaise, à lui-même.

— El comment prouverez-vous une telle insolence, nue telle absurdité ? — Sauf votre bon plaisir, messieurs, je la prouverai par la réponse de M. Duverney, de sa main, sur le même papier, comme c’était notre usage en affaires secrètes. Voici dune la réponse de cel ami, à qui j’écrivais mon ami. Je vous supplie, messieurs, de la bien retourner, commenter, tortionner, mai— de ne pas vous épuiser dessus. Réservez vos forces pour quelques autres réponses plus extraordinaires encore, dont je veux gratifier le seigneur OïN avant la fin de ce mémoire.

Depuis quatre jours je ne dors presque point, ci mon ami. o — (Mon ami ! juste ciel ! à M. de Beaumarchais ! Mon ami ! — Oui, oui. oui, messieurs, mon ami ; mais laissez-moi doue lire !) « Je ne dors presque point, mon ami ; je mange fort peu. J’ai des peines dans l’âme plus fortes que ma rais a. I u ami qui m’écrit trois billets, auxqui Is ci pas eu la force de répondre, est la cause de mon ci fâcheux état. Il me mande que je le venu pour u parler de mes a lia ires et des siennes… Il me demande des conseils ; il veut s’expatrier, tout ci abandonner. Le doit-il faire, oui ou non ?… Vos ci avis dictés caic i.’amitié pourraient guider la ci rouie que doil tenir cel infortuné… Je i rains o pour sa ie el pour sa tête… J’avoue que sa sice tuation me pénètre de douleur… ayant, dans ci toutes les actions de sa vie, exposé ses jours poui i< son maître. Quelle récompense ! grands dieux ! i. vioi ! i El eeiie lettre, messieurs ! je la joins encore au procès, quoique étrangère el fort inutile à l’acte du i" avril, ainsi que toutes les autres.

—.1/" » amilvos mis dictes par l’amitié !… Brûlez-moi ! … qu’est ce que loul cela signifie ?… Serait-il donc vrai, grand Dieu ! qu’il y eût eu un pareil commerce entre (page II) « un homme ac-