Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/588

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pourvu qu’ils fussent employés contre la France ; s’étant d’ailleurs bien assuré que les amiraux anglais, qui avaient nettement refusé de servir contre l’Amérique, étaient néanmoins nommés à des commandements d’escadres qui ne pouvaient donc plus la menacer ; trop certain enfin des millions qu’on répandait et des efforts qu’on faisait pour diviser les esprits, tant ceux du congrès en Amérique que ceux de la députation en France ; et surtout connaissant bien l’espoir secret qu’on avait à Londres d’engager les Américains, par l’offre inopinée de l’indépendance, à se réunir aux anglais contre la France, à la punir, par une guerre sanglante et combinée, de trois ans de froideurs et de refus de s’allier à l’Amérique : pressé par tant de motifs accumulés, le roi s’est déterminé, mais publiquement et sans aucun mystère, mais sans déclarer la guerre aux Anglais, encore moins la leur faire sans la déclarer, comme ils en ont établi l’odieux usage ; sans vouloir même entamer des négociations préjudiciables à la cour de Londres, et par une suite modérée de la neutralité qu’il avait adoptée : le roi, dis-je, s’est enfin déterminé à reconnaître l’indépendance de l’Amérique, à former un traité de commerce avec les nouveaux États-Unis, mais sans exclusion de personne, pas même des Anglais, à la concurrence de ce commerce.

Certes, si les règles de la justice, de la prudence, et le soin de sa propre sûreté n’oul pas permis au roi de différer plus longtemps cette reconnaissance d’un honorable affranchissement et d’une indépendance dont I » Anglais se Dallaient di’taire tourner bientôt leur honteux aveu contre nous-mêmes, au moins faut il convenir qu’aucun acteaussi intéressant, aussi grand, aussi national, m s’est fait avec plu— de modération, de candeur, de noblesse et de simplicité, tous caractères absolument opposés a la ; » //<<//< dont l’insolence anglaise a voulu tacher la France el le roi, dans son Mémoire justificatif : c’est ce qu’il fallait prouver. Quanl a moi, donl I intérêt —>■ perd et s’évi il devant de si grands intérêts ; moi, faillie particulier, mais courageux citoyen, bon Français, el siin ère ami du brave peuple qui vient de conquérir sa liberté : si I on esl étonné que ma faible voix se mêle aux l ches du tonnerre qui plaident i ette grande cause : je répondrai qu’on n’a besoin de puissance que pour soutenir un tort, el qu’un homme esl toujours assez t ■ ni quand il ne veul qu’avoir raison. J’ai l’ail de grandes pertes ; elles mil rendu mes travaux moins utiles que je ne l’espérais : s ami— indépendants : mais comme c’esl moins par mes sucées qui’par mes efforts que je dois être jugé, j’ose encore prétendre au noble salaire que je me —ni— promis : l’estime de trois grandes nations, la France, l’Amérique, el m’ni— i Vngleterre.

P. —A. Caron de Beaumarchais.

REQUÊTE

A MM. LES REPRÉSENTANTS

DE LA COMMUNE DE TARES

PAR

PIERRE-AUGUSTIN CARON DE BEAUMARCHAIS MEMI1HE DE LADITE REPRÉSENTATION

Messieurs,

Le nom de citoyen français esl devenu d’un >i grand prix, qu’aucun homme ne peut souffrir que l’on altère en lui la pureté d’un m beau titre. En repoussant aux yeux de tous l’horrible injure, qui m’est l’aile, c’esl votre cause, ô citoyens, que je défends plus que la mienne : vous avez t"ii— des ennemis, mais ous n’êtes pas tous arme— contre leurs coups, leurs attentats. Aujourd’hui moi. demain ce sera vous ; et s’ils viennent a soupçonner que l’assemblée prête l’oreille à leurs affreuses délations, aucun de vous n’esl plu— en sûreté. Écoutez-moi donc, citoyens : je vais dévoiler des horreurs qui intéressent tous les hommes. Lorsqu’on commençait, l’an passé, à concevoir des inquiétudes sur la cherté, la rareté des grains, des ennemis, trop méprisables peur se montrer a découvert, firent répandre parmi le peuple inquicl que | étais un accapareur, que mes maisons étaient pleines de blé. « in le ni placarder la nuit sur toutes mes portes el dans les rues voisine-. Je m’en plaignis aux magistrats, qui firenl courir des patrouilles déguisées, pour s’assurer de— placardeurs : ou ne put se saisir d’aucun. Depuis, dan— le— premiers moments de l’effervescence du peuple, ma personne et mes possessions ont couru les plus grands dangers. J’étais désigné hautemenl pour troisième victime lorsqu’on pilla les deux maisons d’Benriot el de / ; > ni lion.

In grenadier des carde— françaises, avant re connu l’un de ces incendiaires qui criaient dans tout le faubourg qu’il fallait brûler mes maisons, in il devoir le faire arrêter et ci induire a la casera di’l’opiné airt, par quatre ou cinq soldats du guet. Mais l’incendiaire avait ses protecteurs-, il leur lit parvenir ce qui lui arrivait. Le lendemain, allant monter sa garde, le pauvre grenadier l’ut mis (comme ou le —ait pour trois semaines en prison a Versailles ; < ! cependant cet incendiaire n’était qu’un vil portier (liasse de ma maison, qu’un des faux témoins reconnus dan— l’instruction du proi es Kornman !

Quand je citai ce l’ail du grenadier devant votre noble assemblée, je fus surpris du peu d’effet que ma déclaration produisit. Le lil donl je tenais t » ’ bout me semblait pouvoir vous conduire au labyrinthe inextricable que vou> cherchez a pénétrer.