Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/772

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tentée du produit qu’elle en retirait, elle avait réellement un demi pour cent de ses fonds, de toute l’eau qu’elle distribuait ; c’est ce qu’elle a nommé et pu nommer un dividende : en quel sens est-ce une jonglerie ? L’entente ici reste au diseur, qui mirabilia dixit.

Il nous reste un dernier reproche à faire à l’auteur de l’écrit ; mais c’est le plus grave de tous, celui qui montrera le mieux quel esprit a conduit sa plume, et combien on doit se défier de ce qu’il affirme le plus. En effet, croirait-on qu’ayant sous les yeux nos actes, et l’arrêt du conseil, il ait jugé nécessaire au couronnement de son attaque de faire une injure gratuite au gouvernement, qui la dédaigne, et à MM. Perrier, qui s’en affligent, à ces deux citoyens utiles, aussi dignes d’éloges par leurs talents que par leur modestie, en fulminant contre le monopole ■ cera par eux sur les via/tint*, contre leur privilége exclusif de vendre de l’eau à Paris ?

Quand on le voit (page 38), avec l’air indigné d’une si grande oppression, sonner le tocsin contre la compagnie, et prononcer ces mots terribles : Prolongera-t-on un privilége exclusif qui ravirait au peuple h bénéfice de la concurrence ?… Qu’on n « s’y trompe pua :) ! s’agit ici de l’eau, de cet aliment qui, avec l’air, est presque le seul bienfait qui la nature ait voulu soustraire à la tyrannie… Le privilége de la compagnie des eaux est proscrit par la nature même de son objet. Il n’est point de gouvernement sur la terre qui puisse continuer longtemps le PRIVILÈGE EXCLUSIF LIE VENDRE DE I.’f.AU ; Quand on le voit tonner ainsi, s’attendrait-on à la réponse ? Elle sera, comme toutes les autres, sans prétention, sans fard, aussi simple que vraie ; nous le disons donc nettement, puisqu’il le faut, et c’est ii i le cas d’employer cette expression de l’auteur (pugeG), qui, dit-il, a remonté plus haut qu’on tu pense, mais à qui personne n’avait imposé la loi de nous attaquer, comme il nous a imposé celle de nous défendre : Nous n’avons point le privilège EXCLUSIF DE VENDRE DE l.’EAU A PARIS, le gouvemement ne l’aurait pas accordé, et MM. Perrier ne l’ont jamais sollicité, ils ont demandé et obtenu le privilége exclusif d’établir des machines à feu pour donner de l’eau dans Paris ; et il est expressément dit, dans l’arrêt du conseil : Sa as préjudice à l’exécution du projet donné par le feu suai— de Parcieux, d’ami m r’Yvette à Paris, ni à celle des autres projets, machines ou établissements, autres que lesdites pompi i " feu, qui pourraient être propres à fournir d l’au a Paris.

Et M. de Mirabeau sait très-bien que les fontaines épuratoires, dont il vante si fort l’excellence et l’utilité, sont établies très-postérieurement au privilége de MM. Perrier ; et que la compagnie des eaux, qui savait bien n’en avoir pas le droit, n’a fait aucune opposition à l’établissement de ces fontaines.

Enfin il sait très-bien que si les gens du monde, qui voudraient tous leurs revenus en jouissances personnelles, ne trouvent pas dans l’entreprise des eaux un placement de fonds assez promptement lucratif, il n’en est pas moins vrai que l’honnête père de famille qui veut enrichir sa postérité par une privation de peu d’années a trouvé dans cette entreprise un emploi d’argent très-solide, et qui ne peut manquer d’assurer un revenu magnifique à ses enfants. Et voilà pourquoi les joueurs à la baisse, pour qui le noble auteur a la bonté d’écrire, trouvent si peu d’actions pour remplir leurs engagements, quoique tous ceux qui les possèdent les aient acquises à très-haut prix. Résumons-nous en peu de mots.

Nous croyons avoir bien prouvé que des motifs peu généreux ont fait décrier par l’auteur un établissement très-utile ;

Que l’augmentation des dépenses, après les devis primitifs, n’a été l’effet d’aucune erreur, mais le fruit des plus mûres délibérations ;

Que la compagnie n’a pas encore dépensé quatre millions cinq cent mille livres en 1785 ;

Que MM. Perrier ont rempli loyalement leurs engagements envers elle ;

Que cette compagnie a le droit de changer ses lois à son gré, dans ce qui ne touche pas à l’intérêt public ;

Que l’auteur est souvent contradictoire avec lui-même, et qu’il perd quelquefois de vue ce qu’il regarde comme son premier objet ;

Que l’affaire est beaucoup plus avancée que ce critique ne l’avoue ;

Que ses calculs sont erronés sur la valeur des abonnements, la quantité du combustible et le vrai produit des machines ;

Qu’il existe plusieurs exemples d’entreprises moins nationales, qui militent pour nos succès ;

Que l’administration des Invalides gagne beaucoup, en préférant l’eau de la Seine à toutes les eaux de ses puits ;

Qu’il est malignement absurde d’imputer à l’eau de nos pompes aucun mélange avec le grand égout ;

Que, sans être aucunement contrainte, la ville aurait un grand avantage à charger la compagnie des eaux de remplir ses engagements ;

Que l’aperçu ruineux d’un seul muid d’eau pour chaque maison est, d’après des relevés exacts, de près des trois quarts au-dessous de la réalité ;

Qu’à trois muids et demi par maison, taux actuel de nos fournitures, sans les augmentations prévues, la compagnie aura un jour plus de trois millions de revenu ;

Que, pour acquérir cette recette annuelle, elle n’aura pas dépensé six millions ;

Qu’alors un dividende de six cent quatre-vingt-quinze livres à chacune les quatre mille quatre cent quarante-quatre actions portera leur capital à treize mille neuf cent huit livres ;