Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/847

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l’autorité souveraine, de se rappeler toutes les démarches que j’ai faites auprès de lui, même avant qu’on ne jouât ma pièce, pour que Leurs Majestés fussent détrompées sur le mal qu’on disait de l’ouvrage.

Je le supplie de se rappeler que, depuis son succès, surtout depuis que je l’ai commenté, dans un discours préliminaire 1, désirant mettre cet ouvrage sous la protection de Leurs Majestés, j’ai tenté de le leur dédier sous la forme la plus circonspecte, et sans même oser les nommer ; que dans ma dédicace imprimée, laquelle est jointe à ce mémoire, j’en appelais à leurs lumières de la tromperie qu’un leur avait faite ; Sire, il y a loin de cette conduite respectueuse au crime affreux qu’on m’a prêté.

Je supplie M. le baron de Breteuil de se rappeler encore que, sur ses objections contre le projet d’une dédicace, je l’ai prié de mettre au moins la pièce et la préface sous les yeux de Votre Majesté quinze jours avant que le public les eut, afin qu’elle fût prévenue d’avance contre tout le mal qu’on dirait, ce qu’il m’a promis avec bonté. Tant de soins, de respects et de précautions, pour m’assurer au moins le suffrage tardif de mes maîtres, pouvaient-ils donc me laisser craindre qu’on abuserait indignement d’une phrase indifférente, et dirigée sur mes ennemis, pour irriter contre moi les augustes protecteurs que je ne cessais d’invoquer ?

Qu’il me soit permis, Sire, de joindre à ces preuves de mon innocence une démonstration tirée de mon intérêt personnel.

En supposant qu’il puisse exister dans la France un homme assez capitalement fou pour vouloir offenser le roi dans une lettre censurée, et publiée dans un journal ; ai-je donné jusqu’à présent des marques d’une telle démence, que l’on pût hasarder sans preuve cette accusation contre moi ? Dans quel temps encore l’ose-t-on ? Dans le moment où vos ministres, Sire, ont tous des mémoires entre leurs mains, par lesquels je réclame la justice de Votre Majesté, sur les demandes qui touchent le plus ma fortune et mon existence.

Dans l’instant où M. le Contrôleur général allait mettre sous les yeux du roi le résultat d’un travail de quinze mois, des commissaires nommés par Votre Majesté 1, pour déterminer la quotité d’une créance très-étendue sur l’État, que mes sacrifices et mon zèle ont formée il y a plus de sept ans, et pour laquelle je souffre sans me plaindre depuis 1778.

Dans le moment où M. le comte de Vergennes était supplié par moi de rappeler à Votre Majesté avec quel soin j’ai rempli, sur l’invitation pres-I. La préface du Mariage de Figaro* qu (il enfin de pa Ed. F.

-.mie de M. le comte de Maurepas, il y a cinq ans, une mission secrète et pénible, dont M. Le Noir lui rendra compte et pour laquelle le roi me doit plus de deux cent mille francs’, que j’attends patiemment dans le silence et le respect depuis cinq années révolues.

Dans le moment où j’ai remis à M. le baron de Breteuil un mémoire très-important sur la propriété des gens de lettres, dont le succès dépend de la justice et de la bonté du roi que j’invoque dans ce mémoire. Cherche-t-on à blesser le souverain qu’on sollicite ? Outrage-t-on son maître à l’instant même qu’on l’implore ? Je supplie Votre Majesté d’arrêter ses regards sur cette réflexion douloureuse, en se rappelant que je sors d’une prison dont le nom seul détruit toute considération personnelle.

Et c’est dans ce temps même où tous les intérêts qui peuvent échauffer une tête bien saine me prosternent aux pieds du roi ; dans le temps où mon amour-propre, ma fortune, mon existence, l’intérêt de la littérature, et l’intérêt plus grand de prouver à nos maîtres qu’on les a trompés sur moi, sur mon ouvrage, me font une loi impérieuse de me les rendre favorables ; c’est ce moment qu’on choisit pour les persuader qu’une phrase très-innocente sur une question littéraire, soumise à la censure, approuvée, imprimée, répandue sous l’égide même de la loi, n’est que l’absurde et l’insolent projet de les blesser publiquement. Heureusement, la préface de ma pièce existait longtemps avant ma lettre au Journal, et j’y ai fortement désigné quels étaient les lions et les tigres qui déchiraient mon œuvre et ma personne. Ce sont eux dont j’ai dit (page 14, édition de Paris) : Dès lors, les grands ennemis de l’auteur ne manquèrent pas de répandre à la cour qu’il blessait dans cet ouvrage, d’ailleurs un tissu de bêtise :  ;, la religion, le gouvernement, tous les états de la société, les bonnes mœurs, et qu’enfin la vertu y était opprimée, et le vice triomphant, comme de raison, ajoutait-on. Ce sont eux dont j’ai dit (même page) qu’ils abusaient l’autorité par les plus insidieux rapports, qu’ils cabalaient auprès des corps puissants, qu’ils alarmaient les âmes timorées, et dont j’ai repoussé l’intrigue pendant un combat de quatre ans. Ce sont eux dont j’ai dit (page 46) : Ils ont même épuisé jusqu’à la calomnie pour tâcher de me perdre dans l’esprit de tout ce qui influe en France sur LE REPOS D’UN CITOYEN. 1

Ce sont eux qui, après un premier essai de l’ouvrage, ont répété partout qu’il était d’une indécence à ne pouvoir être supporté, ce qui fit ori. Il s’agit ici de la masse

bés aux différentes archives,

emmagasinés à grands frais, :

de M. de Maurepas, lui eût e

bas, sur cette affaire, une nu

uni me de papiers et parchemins déroque Beaumarchais avait recueillis et ins que l’État, malgré les promesses corc rien remboursé. On trouvera plus velle lettre de Beaumarchais au roi. Ed. F.