Page:Beaumont - Contes moraux, tome 1, Barba, 1806.djvu/58

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défaut, il n’y a rien de plus vilain que d’être une rapporteuse.

La mère qui idolâtrait Joliette, et qui était naturellement curieuse, dit à son mari qu’il n’aimait pas cette pauvre enfant, parce qu’elle avait le défaut d’être muette ; qu’elle était déjà assez malheureuse avec son infirmité, et qu’elle ne pouvait se résoudre à la rendre encore plus misérable en la contredisant. Le mari qui ne se paya pas de ces mauvaises raisons, prit Joliette en particulier, et lui dit : « ma chère enfant, vous me chagrinez. La bonne fée qui vous a rendue muette, avait sans doute prévu que vous seriez une rapporteuse ; mais à quoi cela sert-il que vous ne puissiez parler, puisque vous vous faites entendre par signes ? Savez-vous ce qu’il en arrivera ? vous vous ferez haïr de tout le monde ; on vous fuira comme si vous aviez la peste, et on aura raison, car vous causerez plus de mal que cette affreuse maladie. Un rapporteur brouille tout le monde, et cause des maux