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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

rieux de celui qui frappait, elle descendit. Après lui avoir ouvert, elle referma la porte.

Le masque se trouva bientôt introduit par elle dans une pièce octogone. Un lit à pente de damas en fermait le fond ; sur la gauche était un prie-Dieu, à droite, une toilette…

La toilette était bordée d’une frange de guipures ; sur ses tablettes s’épanouissaient les aromes et les pâtes inventées par le Preux, parfumeur de la reine mère. C’étaient des onguents et des sachets, dont le nom n’est pas venu jusqu’à nous ; mais que l’on se reporte au siècle où l’on accusait Marie Stuart de prendre au Louvre même des bains de lait et de vin, et l’on comprendra la valeur de ces trésors de beauté ! Une mante, un loup, un manchon à glands de perle, une mandoline, oubliés sur une table, complétaient le décor de cette pièce. Les rideaux du lit étaient relevés, et laissaient voir au fond une niche couverte d’un voile noir.

La Moresse établit le visiteur dans un fauteuil près du feu qui petillait ; elle eut soin seulement de lui montrer l’heure à la pendule.

— Ma maîtresse, demanda-t-elle à l’étranger, reviendra donc bien avant dans la nuit de chez la reine mère ?

— Tranquillise-toi, elle ne peut tarder.

— J’ai terminé cette nuit les préparatifs de notre départ, continua la Moresse. Demain nous devons rejoindre madame la reine, qui veut loger ma maîtresse au Louvre… Elle vous l’a dit sans doute ?… Un gentilhomme de la reine doit l’escorter.

— Et c’est moi qui suis ce gentilhomme… Repose-toi de tout sur mon zèle, et laisse-moi seul.

La Moresse s’inclina ; elle avait vu briller au doigt du masque une bague d’un grand prix. Le départ de sa maîtresse était mystérieux ; il n’était donc pas étonnant qu’un gentilhomme masqué vînt la chercher.

Ce masque, le médecin du cardinal l’ôta dès que la Moresse se fut éloignée ; il se leva et courut se regarder à une glace de Venise placée à côté du lit.