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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

sur sa plaque de marbre. Ce nom est celui d’une famille chère à tous les hommes d’honneur à plus d’un titre.

Par suite de partage entre les enfants du marquis de Pimodan, l’hôtel devint la propriété de M. le comte de la Violaye son gendre, fils du marquis de la Violaye, dernier président des états de Bretagne.

Une tradition suspecte donnerait à croire que M. de la Violaye, durant la terreur, aurait été caché dans l’un des égouts de l’hôtel pour échapper aux bourreaux : M. de la Violaye passa cet horrible temps dans les prisons de Nantes, telle est l’exacte vérité. Il fut même embarqué sur les fameux bateaux à soupapes, mais il eut le bonheur de s’évader.

La révolution française respecta, chose étrange ! les murs et les fresques de l’hôtel Pimodan ; les septembriseurs l’oublièrent. Aujourd’hui, les plafonds de Lesueur et de Lafosse y brillent encore de tout leur éclat. Un auditeur au conseil d’Etat, M. J. Pichon, s’en est rendu l’acquéreur, et il le conserve avec un soin qui mérite tout éloge. Ressusciter un pareil cadavre après Lauzun serait impossible ; M. J. Pichon s’est contenté de l’embaumer de son mieux.

À quelques pas de l’hôtel Lambert, où la bienfaisance invente des fêtes, où Lebrun rayonne, éclate, éblouit, l’hôtel Pimodan ressemble à l’un des chartreux de Lesueur ; sa nuit est profonde, ses dalles mornes, sa cour remplie d’herbes. Peut-être, à défaut de nous, hôte rapide qui n’avons fait qu’y passer, trouvera-t-il un jour quelque Anglais épris de Buckingham et de Lauzun, pour lui rendre son ancienne vie. Le Pactole des poëtes et des artistes ne suffit pas à ce riche et vieux palais ; Dieu le garde seulement d’un nouveau droguiste pour locataire ! La fumée qui sort de ses alambics grossiers avait failli déjà lui nuire ; ses dorures en ont souffert. Nous exprimons le vœu que cette noble demeure ne sorte pas des mains dans lesquelles on la retrouve, ou qu’elle ne passe à d’autres que pour revêtir