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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

prêt à défaillir. Toujours entraîné par la main de fer de Pompeo, il suivait machinalement la ligne du quai qui longe le Louvre, il songeait à donner le change à l’Italien par quelque ruse.

— Monseigneur, reprit Pompeo, j’attends.

Il tira son poignard catalan de son étui, et le fit briller aux molles clartés de la lune.

— Grâce, s’écria l’homme ; Pompeo, grâce, dans quelques jours je te livrerai Samuel !

— Non dans quelques jours, sur l’heure même.

— Je te demande quinze jours.

— Pas un seul ; il me le faut.

— Écoute, Pompeo, si je te rends le plus heureux des hommes, toi jusqu’ici le plus malheureux peut-être, m’accorderas-tu le délai que je te demande ?

— C’est selon. D’abord je veux savoir à qui je parle ; je vous ai appelé monseigneur, mais qui êtes-vous ?

— Ton ami, rien que ton ami, Pompeo, reprit le masque, un homme que tu accuses et qui veut te combler de joie. Écoute…

— J’écoute, dit Pompeo.

— Tu ignores peut-être que tu avais une fille…

— J’en avais une, oui, cela est vrai… murmura Pompeo d’une voix sourde. Mais ce misérable…

En même temps, les sanglots l’interrompirent.

— Pompeo, reprit le masque, ne pleure plus… elle vit.

— Elle vit, elle, ma fille ! elle vit, dis-tu ? Ah ! tu ne me trompes pas, qui que tu sois, toi dont je veux bien respecter ici le masque ! Ma fille existe ! tu sais où elle est, je la verrai !

— Dès ce soir, si tu veux.

— Ah ! ne te fais pas un jeu de ma douleur, toi qui me parles, ou crains ma vengeance !

— Je ne redoute rien de toi, je ne mens pas.

— Va donc, guide-moi vers mon enfant ! Je prends à témoin ces étoiles, ce fleuve, ces murailles, que si tu me la