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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

ébréché, une mandoline et deux planches de chêne chargées de livres formaient les seuls ornements du gîte de Mariette, il y avait au lit une image de la Vierge du Rosaire.

Cette vierge se trouvait aussi brodée sur le sachet que la jeune fille portait au cou.

Pompeo, au moment de partir, prit des ciseaux qu’il trouva sur la table de Mariette, et il trancha le fil qui retenait le sachet.

Quand Mariette s’éveilla, Pompeo était bien loin…

Mariette semblait encore se débattre sous l’impression d’un rêve étrange ; elle tremblait, elle était pâle ; elle courut d’abord se regarder à sa petite glace… Le désordre de son visage la surprit ; mais ce qui l’étonna davantage, ce fut de trouver sa fenêtre ouverte… sa fenêtre que Pompeo avait oublié de refermer.

En même temps, par un mouvement machinal, elle porta la main à son cou, sa stupeur augmenta en n’y trouvant plus son sachet.

— Veillé-je encore ? se dit-elle, serait-ce donc lui ? mon songe ne serait-il pas un songe ? Non, c’est bien lui poursuivit-elle, je l’ai vu, je l’ai appelé ; ce sachet, que je porte depuis ma naissance, il l’a détaché de mon cou, j’en suis bien sûre. N’était-il pas là, il n’y a qu’un instant, timide et confus, près de mon lit ? ne s’accusait-il pas de sa fuite soudaine, de mon désespoir et de mes larmes ? Je le vois encore se jeter à mes genoux avec des sanglots, il me priait de lui pardonner, il me disait que j’étais sa vie ! Charles devant moi, Charles à mes pieds, lui, Charles ! il était sincère, éloquent comme autrefois ! Quand je lui ai parlé de celle qu’il aimait et pour laquelle il m’avait quittée, il a secoué la tête avec un soupir, il me l’a montrée livide et muette ; elle était morte ! C’est par cette fenêtre qu’il est entré, c’est par là qu’il est parti.

Parti ! s’écria-t-elle en se penchant sur le quai, parti ! lui que je voulais retenir. Mon Dieu ! la tête me brûle ; il m’a abandonnée, je suis folle !