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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

pit Charles ; vous connaissez le coupable, ce coupable n’était pas moi. Oh ! l’on ne vous croira pas !

— L’on me croira, quoique vous disiez ; je parlerai devant tous aussi haut que je parle ici.

— Silence ! encore une fois.

— Mais personne ne nous écoute, monseigneur ; qu’avez-vous donc ? Oui, continua Pompeo, en baissant le ton comme par pitié pour Charles, je sais que ce que je vais faire là est d’un lâche, aussi je ne le ferai que si vous êtes vil et lâche envers cette jeune fille… Consentez à me suivre et à lui rendre le repos, à rentrer sous ce toit que vous n’eussiez pas dû quitter, désormais je suis à vous !

— Jamais ! reprit Charles résolu à triompher de Pompeo par une intrépide obstination, jamais !

— Vous aimez donc mieux que je vous déshonore, vous voulez ?…

Un cri perçant retentit alors derrière la boiserie de la pièce où cette scène avait lieu ; la duchesse était là, glacée, palpitante : elle écoutait. À la pâleur mortelle qui couvrit les traits de Charles, l’Italien comprit d’où partait ce cri dont il se sentit remué lui-même au fond des entrailles.

— Teresina ! s’écria Charles, Teresina !

Et il se précipita vers la chambre voisine ; il voulut la fermer sur lui, Pompeo l’en empêcha.

À peine entré dans cette pièce qui formait le boudoir de la comtesse, l’Italien n’y trouva qu’une forme blanche étendue sur le carreau. Teresina venait de s’évanouir. Il la contemplait encore d’un œil égaré pendant que Charles se penchait vers elle, quand une main se posa sur l’épaule de Pompeo.

En se retournant, il vit un homme dont un masque noir couvrait les traits.

— Reconnais-tu cette femme ? dit-il à Pompeo en la lui montrant du doigt, c’est Teresina Pitti, la duchesse de Fornaro, que tu as aimée !